De l’extérieur, il peut sembler compliqué de mener une campagne pour mettre un terme au sans-abrisme de rue dans différents pays européens. Si on ne tient pas compte du Brexit, il existe des problèmes potentiels relatifs à la culture, à la langue, à la politique et à la recherche de terrains d’entente. Il y a toutefois une chose qu’on ne peut pas nier : il est complètement inacceptable que de plus en plus de personnes vivent dans la rue, et d’aucuns désirent prendre les mesures nécessaires pour régler ce problème.
Ce postulat rassemble la Building and Social Housing Foundation (World Habitat) et nos partenaires en Europe afin de prendre les mesures nécessaires pour faire bouger les choses. Nous travaillons avec des organisations comme la FEANTSA et des villes comme Valence, Barcelone et Londres sur la compagne européenne sur l’élimination du sans-abrisme de rue, un mouvement de villes qui travaillent ensemble pour loger de façon permanente les personnes les plus vulnérables d’Europe et éliminer le sans-abrisme de rue chronique d’ici 2020. La campagne est à différents stades dans différentes villes. Les deux premières villes à avoir organisé des semaines de comptage dans le cadre de la campagne (où des équipes de bénévoles locaux apprennent à connaître tous les sans-abris par leurs noms en se rendant dans les rues pour définir leurs besoins) étaient Valence et Barcelone. Westminster était la troisième, et Croydon sera la quatrième en août. Nous sommes également en discussion avec d’autres villes qui souhaitent rejoindre le mouvement.
Le sans-abrisme n’est pas un phénomène nouveau. Certaines des causes de ce problème (manque de logements abordables, pauvreté, problèmes personnels) existent depuis longtemps, s’empirent et sont plutôt ancrées dans la société. Certaines des solutions utilisées par les gouvernements et les associations sont établies depuis longtemps, même si elles ne permettent pas de résoudre le problème.
Un récent article publié dans le journal britannique Guardian a souligné que malgré les initiatives prises depuis les années 90, le sans-abrisme chronique était en hausse. En 2010, chaque nuit, 1.768 personnes dormaient dans la rue en Angleterre (soit plus qu’en Écosse et au Pays de Galles). En 2015, ce chiffre atteignait les 3.569, soit une hausse de 102%.
Petra Salva travaille pour St Mungo’s, un des principaux partenaires londoniens du projet Westminster Homelessness Action Together (WHAT). Il s’agit d’une semaine de comptage organisée en juillet 2016, durant laquelle près de 300 bénévoles ont parcouru les rues de Westminster pour collecter des informations sur les sans-abris locaux qui dormaient dans la rue. Dans le cadre de notre campagne européenne pour éliminer le sans-abrisme de rue, il importe de sensibiliser le public sur le problème du sans-abrisme de rue, d’écouter les sans-abris sur les problèmes qui sont à la base de leur situation, et de trouver des solutions pour les aider à sortir de la rue. WHAT était une vraie opportunité pour la communauté de Westminster, où les membres pouvaient contribuer à fournir des perspectives et des solutions autres que celles proposées par les associations locales et le conseil local.
Petra a affirmé dans son récent blog : « La réalité est que le nombre de personnes dormant dans la rue est en hausse malgré les efforts incroyables des associations travaillant avec les sans-abris qui dont de leur mieux pour aider ces personnes depuis de nombreuses années. … Nous avons aidé de nombreuses personnes mais nous devons en faire plus et il est temps de revoir notre façon de venir en aide à ces personnes dans la détresse. »
Et c’est de ça qu’il s’agit avec cette campagne. Comme l’a récemment déclaré David Ireland, directeur de la World Habitat, les partisans de cette campagne font partie d’un nouveau mouvement, avec des partenaires dans chaque ville qui cherchent à rompre le statu quo et mettre un terme au sans-abrisme.
Même dans les villes européennes où le sans-abrisme de rue n’est pas aussi marqué et n’est pas considéré comme le principal problème des personnes sans domicile, les personnes les plus vulnérables sont quand même touchées par des réductions au niveau des services et de l’accompagnement qui peuvent rendre leur sécurité de logement et leurs opportunités de plus en plus précaires.
Il peut toutefois être difficile de réaliser de vrais changements et il existe de nombreuses raisons pour lesquelles nous n’essayons pas quelque chose de différent :
- Cela implique généralement d’autres acteurs que votre organisation
- Cela peut nécessiter de nouvelles compétences ou d’autres façons de penser ou de travailler
- Il y a souvent des problèmes qui ne sont pas de votre ressort, comme l’environnement externe, le climat politique ou le niveau de ressources.
Parfois, les changements nécessaires demandent de trouver de nouvelles approches auxquelles nous n’avons pas encore pensé, en impliquant de nouveaux acteurs pour trouver des solutions. Jennifer Travassos, qui commande chaque année pour 6 millions de Livres sterling de services pour les sans-abris à Westminster, a affirmé au Guardian qu’étant donné la réduction des ressources disponibles, WHAT permet d’impliquer l’ensemble de la communauté, de lui dire que nous n’avons pas les réponses et de lui demander comment nous pourrions agir différemment.
Nous pouvons prendre de nombreuses mesures pour faire bouger les choses. Dans une campagne comme a nôtre, par exemple, cela peut se passer à différents niveaux.
Au niveau local : les changements peuvent être réalisés par les organisations partenaires, les locaux, les bénévoles, ceux qui peuvent soutenir les actions locales et qui savent pourquoi il est important d’apporter des changements. Les membres de la communauté locale peuvent être une inspiration pour d’autres et sensibiliser le public plus facilement. Les bénévoles du projet WHAT à Westminster étaient très motivés et engagés parce qu’ils comprenaient que leur implication pouvait contribuer à améliorer la vie de personnes de leur quartier qu’ils voient tous les jours. Les compétences, l’empathie, la gentillesse et l’humanité de ces bénévoles sont magnifiquement décrites par Lyndall Stein, qui a écrit un article sur son expérience dans les rues de Westminster avec une équipe de bénévoles. (insert link to Lyndall’s blog) D’autres personnes peuvent avoir différentes raisons de s’impliquer. Le conseil municipal de Westminster espère utiliser les résultats de l’enquête locale pour adapter sa propre stratégie sur le sans-abrisme, car elle a des responsabilités spécifiques en tant qu’autorité locale de la région.
Au niveau municipal ou régional : il importe d’analyser les ressources et politiques qu’il faut modifier, d’identifier les décideurs et de trouver ce qui pourrait les motiver à vous aider. Après avoir organisé la semaine d’enquête en avril, présenté les résultats et travaillé avec le Maire et le gouvernement régional sur des solutions conjointes, la Rais Fundacion a maintenant trouvé un accord pour un projet de logement d’abord à Valence.
Au niveau national : il existe probablement des politiques nationales qui influencent l’accompagnement des personnes dormant dans la rue. Le fait de travailler dans votre propre pays avec des organismes nationaux vous permet de mieux influencer les décideurs à ce niveau. En Angleterre, nous avons Homeless Link, qui représente plus de 500 organisations travaillant pour éliminer le sans-abrisme en Angleterre et améliorer l’accompagnement qu’ils proposent.
Au niveau transnational ou européen : la World Habitat coordonne et aide des villes à adopter une nouvelle approche. Il importe de travailler avec des partenaires comme la FEANTSA, qui a des membres dans des régions où le sans-abrisme de rue est un problème important et urgent. Cela nous permet d’avoir plus d’influence et de mieux partager les bonnes pratiques et les résultats de la campagne, ce qui nous permettra de faire une vraie différence.
De façon générale, toute campagne, qu’elle soit locale, nationale ou mondiale, a plus de chances de réussir si vous un plan pour déterminer qui vous devez influencer, ce qui les motivera à vous aider et comment parvenir à vos fins. Ce plan ne doit pas forcément être compliqué mais doit prendre en compte le problème, les changements souhaités, les personnes qui peuvent vous aider à changer les choses, vos alliés et les personnes qu’il faudra convaincre pour vous aider. Vous ne devrez probablement pas influencer ou impliquer d’autres ONG ou des citoyens de la même façon que vous devrez impliquer votre autorité locale ou municipalité, et vous devrez dès lors utiliser des tactiques et messages différents selon votre public cible.
Pour planifier des changements, il faut :
- Etre prêt à faire les choses différemment, comme les villes qui ont rejoint notre campagne
- Etre prêt à travailler avec d’autres, à partager, à déléguer et à faire des compromis, comme les partenaires du projet WHAT
- Utiliser les données existantes ou développer de nouvelles formes de données pour appuyer votre envie de faire bouger les choses, comme nous le faisons avec la campagne européenne pour l’élimination du sans-abrisme de rue en organisant des semaines de comptage. Les données que nous collectons ne sont PAS purement « académiques » mais sont des données solides collectées grâce à une méthodologie simple. Les informations rassemblées grâce aux enquêtes sont des informations qui n’avaient jamais été collectées ou du moins pas de façon aussi détaillée.
- Avoir un plan clair pour développer les changements nécessaires. Les meilleures stratégies d’influence sont souvent développées et mises en œuvre au niveau local, car c’est à ce niveau qu’il y a le plus de politiques de lutte contre le sans-abrisme, le plus de ressources et le plus d’acteurs importants. C’est également à ce niveau que les sans-abris sont le plus visibles et peuvent mieux agir pour faire bouger les choses.
C’est ce que font les partenaires de notre campagne et nous commençons à voir les premiers résultats.
Un mois après la semaine d’action à Westminster, les partenaires locaux de la campagne ont maintenant défini les premiers résultats. Toutefois, Petra Salva affirme que la participation à ce projet et l’analyse des résultats n’est que le début des changements nécessaires.
Nous avons demandé à nos partenaires de ne pas s’arrêter là. C’est n’est que le début… Pourquoi ne devons-nous pas nous arrêter là ? Parce que chaque nuit, environ 15 nouvelles personnes dorment pour la première fois dans la rue. Vous pouvez contribuer à changer cela. Tant à Londres qu’en Europe, nous pouvons éliminer le sans-abrisme de rue.
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