Ce projet artistique public à grande échelle a radicalement transformé l’image d’une des plus célèbres favelas de Rio de Janeiro. Il a mobilisé une communauté pour peindre les façades de ses maisons en créant d’énormes œuvres d’art. Ce projet a permis de redéfinir le panorama de la favela et a transformé cette zone peu recommandable en communauté dynamique.

Description du projet

Objectifs

Le principal objectif du projet était de faire en sorte que la peinture des maisons de cette favela serve de catalyseur pour la régénération et le renforcement des capacités de la région afin d’améliorer la vie de ses habitants.

Lors d’une prochaine étape, le projet compte poursuivre sur la lancée et peindre 50 autres bâtiments.

Back to Rio est un projet artistique initié par deux artistes néerlandais, Jeroen Koolhaas et Dre Urhahn, les fondateurs de la Fondation Favela Painting. Ils se sont rendus pour la première fois à Vila Cruzeiro à Rio en 2006 et ont peint une fresque murale de 150 m2 représentant un garçon avec un cerf-volant sur le mur d’un bâtiment. Ils y sont ensuite retournés quelques années plus tard pour peindre une fresque encore plus grande qui couvrait des escaliers publics. Cette œuvre d’art représentait les escaliers comme une rivière dans laquelle nageait une carpe. Ils sont ensuite retournés à Rio de Janeiro en 2010 pour créer une très grande œuvre d’art communautaire sur une grande place publique de Santa Marta.

Après avoir terminé ce projet à Santa Marta, leur objectif était de réaliser une œuvre encore plus grande et de peindre l’ensemble d’une favela. Ils ont dès lors repris leur travail à Vila Cruzeiro, dans la principale rue de cette favela. Ce projet fut dès lors intitulé Back To Rio. Une importante fusillade en 2014 stoppa temporairement leur travail et les obligea à revoir leur projet. Ils ont choisi une place publique plus visible, notamment pour des raisons de sécurité, mais également pour donner une image plus positive à ce quartier après une période très sombre. Ce projet implique la peinture de trente-quatre bâtiments connexes, créant une grande œuvre d’art de 7.000 m2.

Les artistes ont dans un premier temps engagé six jeunes locaux pour participer à ce projet. Les participants ont reçu des formations en plâtrage (les maisons étaient composées de simples briques nues et devaient être remises en état et terminées avant de pouvoir être peintes). Ensuite, vingt-cinq jeunes de la favela ont été impliqués dans la peinture de l’œuvre d’art. Les participants ont été rémunérés et ont acquis de nouvelles compétences.

Le projet a attiré une attention positive sur Vila Cruzeiro en particulier et sur les favelas de Rio en général. Ces peintures colorées ont reçu l’attention des médias internationaux et le quartier a reçu la visite de plusieurs célébrités. Pour la première fois, les médias parlaient en bien des favelas. Santa Marta est à présent une destination touristique, des visites guidées étant régulièrement organisées par des locaux pour les visiteurs de la ville.

Contexte

Vila Cruzeiro est un bidonville (favela) situé au nord de Rio. Cette favela est tristement célèbre pour sa criminalité et sa violence. En 2010, le Rio Times l’a décrite comme une des favelas les plus dangereuses de Rio. Le journal a en outre affirmé que cette zone était responsable de plus d’un tiers des meurtres de la ville et que des habitants mourraient souvent lors de fusillades. Ce bidonville a été construit au début des années 1970 et la plupart des bâtiments ont peu changé depuis. En 2010, ce quartier a été ciblé par la police qui visait à dissoudre un gang local de trafiquants de drogue. Une fusillade s’en est suivie, qui a duré cinq jours et qui a provoqué la mort de 37 personnes.

Les estimations varient quant au nombre de personnes vivant dans les favelas de Rio mais, en 2009, le magazine New Yorker a estimé que la ville comptait plus de mille favelas, dans lesquelles habitaient environ trois millions des quatorze millions d’habitants de la ville brésilienne. Ce nombre a probablement augmenté depuis dans la mesure où la hausse démographique de la ville se produit surtout dans les favelas.

Quel est son impact ?

Back to Rio a fourni des formations et a renforcé les capacités des communautés dans certains des quartiers les plus pauvres de Rio.

Le projet a attiré l’attention des médias tant sur le plan national que sur le plan international et a permis de modifier la perception publique des favelas.

Comment le projet est-il financé ?

Back to Rio a été financé par une campagne continue de collecte de fonds. Le projet a été créé grâce à une campagne de financement participatif de KickStarter qui a permis de lever 100 000 dollars. Le projet a bénéficié d’autres financements participatifs, de fonds privés de Haas&Hahn et d’une subvention de la Fondation Johnnie Walker.

Aspects innovants

  • Ce projet propose une approche peu commune pour améliorer les quartiers dans des communautés défavorisées. Aucun acteur impliqué dans le projet ne se considère être urbaniste, professionnel du développement ou organisateur communautaire. Il s’agit simplement d’artistes avec une conscience sociale, qui comprennent le pouvoir de l’art pour rassembler des personnes autour d’une action positive.
  • Le projet a utilisé la couverture médiatique de façon très efficace pour attirer une attention positive sur cette favela. Par le passé, les médias parlaient uniquement de crime, de drogue et de violence.
  • Les peintures ont fait de cette favela une destination touristique qui a permis de générer des revenus pour la communauté grâce à l’engagement de guides locaux et à la hausse des ventes dans les magasins locaux.
  • Les artistes estiment que ce projet jouit d’une vraie crédibilité dans la rue, dans la mesure où il fait notamment participer des personnes qui étaient précédemment impliquées dans des activités criminelles.
    Le projet a utilisé sa couverture médiatique pour organiser une campagne de financement participatif qui a couvert la plupart des coûts du projet.

Quel est son impact sur l’environnement ?

Lorsque cela s’avérait possible, les peintres tentaient d’utiliser du plâtre coloré, en utilisant des pigments dans le plâtre au lieu de peinture pulvérisée sur les maisons, ce qui, sur le long cours, est plus durable. Pour cela, une équipe néerlandaise de résidents de Vila Cruzeiro développe actuellement un projet pilote pour une usine de peinture à Providencia (autre Favela) qui sera utilisée pour transformer davantage de maisons et exporter les peintures à d’autres quartiers où se déroulent des projets de peinture de favelas.

Quel est son impact social ?

  • Le projet permet de changer la perception publique des favelas.
  • Il a offert une nouvelle image à un quartier qui a été le théâtre de violences et de tragédies.
  • Il renforce les capacités des résidents des favelas en leur permettant de participer au développement local sans impliquer le gouvernement.
  • Les participants bénéficient de formations en arts, techniques de peinture et gestion de projet.

Viabilité financière

La viabilité financière du projet dépend de l’utilisation de mécanismes innovants de financement comme le financement participatif.

Obstacles

Malgré l’amélioration de la sécurité à Vila Cruzeiro, le projet a été obligé de s’interrompre temporairement à cause d’un conflit entre la police et des gangs de trafiquants de drogue, qui a obligé le projet à se poursuivre dans une zone plus centrale et plus sûre.

Le projet dépend fortement de la présence sur place des deux artistes néerlandais. Ils se sont immergés dans la communauté, ce qui représente un des facteurs de succès du projet mais cela leur permet de mieux comprendre les réalités locales et de mettre en place des équipes locales, mais cela nécessite du temps et de l’énergie.

Tous les locataires et propriétaires qui vivent dans les rues où se déroulent le projet doivent vouloir s’impliquer dans le projet et se mettre d’accord sur les couleurs et le dessin de l’œuvre d’art. Le projet a développé une méthodologie utilisant des laboratoires de couleur dans lesquels les personnes se rassemblent pour parler du projet. Cela permet également de convaincre les propriétaires qui hésitent à participer au projet.

Leçons retenues

Les habitants de ces quartiers peuvent jouer un rôle majeur dans l’amélioration de leurs quartiers sans impliquer le gouvernement et peuvent être impliqués via différentes approches participatives qui ne suivent pas les approches urbanistiques traditionnelles.

Évaluation

Au niveau local, les résultats ont été évalués, des changements ont été mis en œuvre et réévalués par le chef du projet jusqu’au moment où tout le monde était satisfait.

L’impact à long terme du projet n’a pas encore été évalué.

Transfert

Le projet a démarré avec une fresque murale dans une favela de Rio et a depuis été reproduit à Port-au-Prince (Haïti), à Philadelphie (États-Unis), à Göteborg (Suède) et à Willemstad (Curaçao).

Le projet du « Germen Crew » au Mexique a peint tout un bidonville de la ville de Pachuca en s’inspirant de ce projet brésilien.