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La Borda

Bronze 2019 | Espagne

Présentation

Une approche innovante en matière de coopérative d’habitat en Espagne

En 2012, un groupe de ménages à Barcelone a répondu à la crise croissante du logement en Espagne en formant la première coopérative en vue de construire un bloc de 28 logements écologiques sur un terrain public.

Dans le cadre d’un modèle innovant de « permis d’utilisation », la coopérative de La Borda a le droit d’utiliser le terrain pendant 75 ans, en échange d’une cotisation annuelle. Le projet a été développé dans le cadre d’un processus démocratique conforme avec l’objectif de La Borda de créer une communauté axée sur l’égalité.

Les bâtiments sont construits en bois et englobent des systèmes écologiques « passifs » qui améliorent le confort climatique, réduisent les frais de subsistance et améliorent la santé des résidents. Les appartements englobent un module central de 40 m², qui permet aux résidents d’ajouter une chambre supplémentaire si nécessaire. Les membres paient une cotisation mensuelle à la coopérative, et ne sont ni propriétaires ni locataires de leur logement.

Le coût du projet (3.246.557 euros – 3.690.411 dollars) a été financé par une combinaison de contributions personnelles, de prêts éthiques, et de subventions publiques locales et nationales.

La Borda a non seulement fourni à ses membres des logements sûrs et plus abordables, mais est également un exemple de réponse à des besoins urgents de logements via une alternative plus équitable aux modèles traditionnels d’accès à la propriété et de location.

Détails complets

Lorsque la bulle du logement en Espagne a « éclaté » à la suite de la crise financière mondiale de 2008, des milliers de familles ont perdu leurs logements dans le cadre de saisies. Alors que l’accès à la propriété est maintenant impossible pour d’aucuns, la pression sur le marché locatif a augmenté de façon exponentielle, engendrant chaque année une nouvelle hausse des loyers et des locations de plus en plus instables.

Face à cette crise croissante du logement, un groupe de résidents de Barcelone a décidé de prendre les choses en main et de construire des logements décents, plus abordables et plus écologiques. Ils ont créé la coopérative d’habitat de La Borda en vue de créer une communauté équitable et intergénérationnelle qui propose une alternative à l’accès à la propriété, au marché locatif et au logement social.

La Borda est la première coopérative d’habitat en Espagne qui se repose sur un « permis d’utilisation » et qui a été construite sur un terrain destiné à des logements sociaux. Dans le cadre de ce modèle, la coopérative paie une cotisation annuelle qui lui permet d’utiliser le terrain pendant 75 ans. Les membres paient une cotisation mensuelle à la coopérative afin de pouvoir y vivre. Ils ne sont ni propriétaires ni locataires des logements.

Le processus de la coopérative a débuté en 2012, les travaux de construction ont débuté en 2017 et les résidents ont emménagé en janvier 2019. Le bâtiment englobe 28 appartements, qui logent 60 personnes dans le quartier de Sants à Barcelone. Un appartement pour les invités a été construit en mai 2019, et une cuisine commune est en cours de construction. La Borda compte actuellement un employé à temps partiel, et ses 50 résidents adultes sont chargés de l’autogestion de la coopérative.

Le projet dans la pratique

La Borda s’inscrit dans le cadre du projet public d’urbanisme Can Batlló. Ce projet a prévu de construire des logements sociaux et de créer des espaces verts sur des terrains précédemment occupés par l’usine de Can Batlló. Peu de progrès ont été réalisés, et la communauté a dès lors décidé en 2011 de débuter son propre projet, incluant la création de la coopérative d’habitat de La Borda.

Le projet a débuté avec un petit groupe de 10 ménages, qui l’ont promu dans le quartier en utilisant le principe du premier venu, premier servi afin d’atteindre les 28 ménages nécessaires pour poursuivre le projet. L’utilisation d’un terrain public implique que les résidents de La Borda doivent respecter les critères officiels des logements sociaux. Cela inclut le fait de ne pas être propriétaire et d’avoir un revenu annuel de moins de 40.000 euros (45.469 dollars). Chaque ménage doit faire une contribution initiale obligatoire de 18.500 euros (21.029 dollars).

L’implication directe des membres de la coopérative est un élément central du développement de La Borda. Les résidents participent au processus décisionnel et à la gestion du projet via sept comités : légal, architecture, économie, communications, secrétariat, autoconstruction et vie communautaire. La coopérative se réunit tous les mois (en présence d’au moins un représentant par ménage) et a un comité exécutif composé d’un représentant de chaque comité.

Pour promouvoir la cohésion communautaire et réduire les coûts, les membres ont participé à la construction de l’immeuble et des espaces communautaires. Des activités de loisirs et de bien-être sont également organisées pour prévenir et résoudre les conflits communs aux processus collectifs.

Un fonds d’entraide – 5 euros (5,69 dollars) par ménage par mois – a été mis en place pour aider les membres qui ont du mal à satisfaire les coûts. Pour l’instant, aucun ménage n’a demandé cette aide. Si les résidents décident de partir, ils récupèrent leur paiement initial de 18.500 euros (21.029 dollars) et les nouveaux résidents paient le même montant. À l’heure actuelle, aucun des résidents originels n’a quitté le projet et il y a une liste d’attente de plus de 70 personnes.

L’immeuble a été construit avec du bois de pin provenant du pays basque espagnol et sa conception écologique passible englobe des ‘corralas’, des corridors intérieurs traditionnels en plein air et des cours qui améliorent le confort climatique de l’immeuble. Les 28 appartements englobent un module central de 40 m² qui inclut une cuisine, une salle-de-bain et deux petites chambres. Des chambres supplémentaires peuvent être ajoutées ou transférées d’un appartement à un appartement voisin si un ménage vient à s’agrandir.

Le coût total du projet était de 3.246.557 euros (3.690.411 dollars) et les fonds ont été obtenus de différentes sources. Coop57, une société de services financiers éthiques, a fourni 52% des fonds via des prêts participatifs, alors que les résidents ont fourni 18% des fonds. Les 30% restants provenaient de contributions de la municipalité de Barcelone, du gouvernement de la Catalogne, du gouvernement national espagnol, d’organisations sociales et de particuliers.

Les frais de fonctionnement de la coopérative de La Borda pour les 10 prochaines années s’élèvent à environ 180.000 à 200.000 euros (205.000 à 227.000 dollars) par an. Cela inclut le remboursement de l’emprunt principal, les améliorations prévues, les entretiens et les dépenses associées aux emprunts. La cotisation annuelle de la coopérative pour l’utilisation du terrain s’élevait à 3.731 euros (4.193 dollars) en 2019 et elle sera ajustée sur la base de l’Indice des prix à la consommation.

Les frais de fonctionnement seront principalement couverts par les contributions mensuelles des résidents et les activités génératrices de revenus réalisées par la coopérative, comme les formations pour le grand public, les fonctionnaires et les architectes, et la location d’un espace commercial au rez-de-chaussée de l’immeuble. La Borda génère également des revenus en fournissant les données climatiques de l’immeuble à des fins de recherche.

La contribution mensuelle des résidents est déterminée par la taille de leur appartement et le coût des espaces communs. La cotisation est de 8,71 euros (9,90 dollars) par mètre carré, alors qu’elle est d’environ 11 euros (12,50 dollars) pour les locations privées locales et d’environ 7,85 euros (8,92 dollars) pour les logements sociaux. Lorsque les emprunts sont remboursés, le coût des contributions tombera à environ 5,86 euros (6,53 dollars) par mètre carré.

Impact social et environnemental

En tant qu’immeuble passif, La Borda a un impact environnemental plus faible que la moyenne (66,37 kwh/m² par an, par rapport à 87,49) et émet moins de CO2 que la moyenne, tant au niveau de la construction qu’au niveau de l’entretien de l’immeuble. Les résidents participent au suivi et aux formations en vue de garantir une utilisation appropriée de la conception bioclimatique de l’immeuble ainsi que des différentes caractéristiques écologiques. Par conséquent, la plupart des appartements n’ont pas eu besoin de chauffage l’hiver dernier. La consommation énergétique et la performance environnementale de l’immeuble sont analysées par l’Agence énergétique de Barcelone afin d’évaluer la possibilité de transférer le modèle.

Le projet a également engendré un changement des normes de construction du Conseil municipal de Barcelone, afin de s’assurer que La Borda et les autres initiatives futures similaires ne doivent pas inclure de parking.

En finançant le projet via des sources éthiques et en utilisant des prestataires du marché social, La Borda a eu un impact considérable sur l’économie sociale et solidaire de la Catalogne. Il a également contribué à la création de La Dinamo Fundació, qui veut étendre le modèle de coopérative basé sur le permis d’utilisation.

Concernant la communauté de La Borda, la conception passive de l’immeuble contribue à réduire la pauvreté énergétique parmi les résidents et à réduire les frais de subsistance. Le projet améliore également la santé des résidents, notamment des enfants qui souffrent moins de troubles respiratoires depuis leur emménagement dans l’immeuble.

Le futur

Les coopératives d’habitat basées sur le permis d’utilisation sont toujours un concept relativement nouveau : il n’en existe que trois en Catalogne et trois autres sont en phase de développement.

La Borda est devenue une référence importante pour ces coopératives et d’autres coopératives en Espagne, et elle contribue au transfert des connaissances et des expériences vers d’autres projets, notamment via sa collaboration avec La Dinamo Fundació. Le groupe vise également à influencer les politiques municipales en vue d’intégrer le modèle du permis d’utilisation dans les programmes de logement social du pays. Les membres de La Borda ont non seulement construit des logements sûrs et écologiques mais ont en outre créé une communauté basée sur des valeurs communes. Ce projet est une initiative pionnière qui prouve qu’il existe une alternative plus équitable aux modèles traditionnels d’accès à la propriété et de location pour des milliers d’Espagnols nécessitant un logement.

Le résumé complet du projet est accessible ici – disponible en anglais uniquement

Récits de résidents

Joan vit à Barcelone depuis quatorze ans et a déménagé dix-neuf fois avant de vivre à La Borda.

Depuis 2005, chaque été, j’appelais mes amis pour leur demander de m’aider à déménager. Miguel, de la société de déménagement, est même devenu un ami proche.

Vivre à La Borda m’a permis de continuer à vivre à Barcelone. Sans la coopérative, j’aurais été obligé de partir. En tant qu’adulte, je n’avais jamais eu de logement que je pouvais considérer comme mon chez-moi.

Ce changement représente un renouveau en termes de bien-être et de bonheur grâce à la stabilité acquise, tout simplement essentielle pour mener une vie heureuse.

La Borda est également le résultat d’une longue carrière de militant. Il y a treize ans, j’ai participé au mouvement social VdeVivenda. De 2006 à 2008, nous avons organisé les premières manifestations de masse contre la hausse excessive des loyers et pour le droit à un logement décent. Depuis lors, la situation générale n’a fait qu’empirer. Les expulsions sont de plus en plus courantes. J’ai été expulsé trois fois. Jamais avec l’utilisation de la violence physique, mais avec des hausses excessives des loyers, impayables pour quelqu’un qui gagne environ 1.000 euros par mois.

La « violence » exercée quotidiennement dans notre ville est immobilière et économique. Pour cette raison, les journaux relatent tous les jours des histoires de personnes et familles expulsées de la ville, qui ont été obligées de quitter le quartier où elles sont nées pour déménager dans d’autres municipalités.

Enfin, je dois placer l’accent sur un point important de la coopérative de La Borda, à savoir son prix abordable. Je suis évidemment fier de vivre dans cette communauté, et je suis fier de la dimensions écologique et féministe de notre logement. Mais il ne fait aucun doute qu’il est encore plus important d’avoir lutté pour un logement dont on ne peut pas spéculer, ainsi que d’avoir contribué à créer un outil qui, au fil des ans, servira à améliorer la vie d’autres personnes ayant peu de ressources.

Paul, Ray et Elba sont une famille qui vit à La Borda.

Avant de vivre ici, nous vivions au troisième étage d’un immeuble sans ascenseur. C’était le dernier étage juste en-dessous du toit et sans voisin. Une des caractéristiques des maisons construites à Barcelone dans les années 50 était l’utilisation de matériaux peu coûteux et de mauvaise qualité. Par conséquent, notre appartement avait de la moisissure dans toutes les pièces et les températures étaient extrêmement froides en hiver et extrêmement chaudes en été. Lorsque nous avons construit notre logement dans la coopérative de La Borda, nous avons pris conscience que nous vivions dans la pauvreté énergétique et que certains de nos problèmes respiratoires ou autres problèmes de santé étaient directement liés à la mauvaise isolation thermique de notre logement.

Notre santé et notre confort climatique se sont directement améliorés lorsque nous avons emménagé à La Borda.

Lors du premier hiver que nous avons passé dans notre nouvelle maison, notre enfant n’a pas eu la moindre bronchite !

En outre, La Borda nous permet de vivre et de planifier notre avenir avec stabilité et une perspective d’accessibilité financière. Les baux locatifs en Espagne sont courts, entre trois et cinq ans, et le prix moyen d’un appartement trois chambres dans notre quartier est d’environ 950 euros par mois. Pour une famille de la classe ouvrière comme la nôtre, il s’agit de conditions abusives et précaires qui nous placent dans un scénario de vulnérabilité qui nous empêche de faire des projets à moyen ou long terme. La Borda nous a non seulement offert une sécurité de logement, elle nous a également permis de vivre dans une communauté, avec des réseaux de soutien social parmi nos voisins. Durant le développement de la coopérative, nous avons créé des liens de confiance entre les résidents. Maintenant que nous habitons cet immeuble qui a des espaces communs et que nous sommes voisins, la vie sociale et communautaire fait en sorte qu’il est plus facile de partager l’éducation des dix enfants âgés entre 0 et 10 ans qui vivent à La Borda.

Enfin, nous ajouterons que le fait de vivre à La Borda et d’avoir une chambre d’ami accessible et adaptée permet à nos parents, qui sont plus âgés et qui vivent à 1.000 kilomètres de Barcelone, de venir nous rendre visite régulièrement et de rester chez nous.

Ferran a 60 ans et vit dans la coopérative.

Lorsque vous avez plus de 60 ans et que vous commencez à penser à votre avenir, les perspectives actuelles offertes par la société capitaliste sont plutôt moroses.

Après avoir joué notre rôle de parents pour nos fils et nos filles, nous vivons en couple ou seuls.

Si nous gardons notre autonomie et notre santé, en général, nous devenons de plus en plus liés aux personnes de notre génération et notre monde devient plus petit et plus homogène.

Nous devons progressivement nous résigner au fait que nous finirons nos vies parmi nos pairs, dépendants de professionnels travaillant pour des institutions publiques ou privées.

Mais il existe des alternatives et j’ai choisi de les exploiter. Nous avons la chance de vivre dans une communauté avec une nouvelle famille non-biologique, une nouvelle tribu

Nous reproduisons ce que la vie était dans les villages, ou dans les cages d’escaliers de nos voisins, il y a 50 ans. Lorsque les portes étaient ouvertes et que les enfants courraient d’une maison à l’autre. Lorsque quelqu’un était malade, toute la communauté venait l’aider.

Nous souhaitons vivre dans la diversité, tant au niveau de l’âge ou du sexe qu’au niveau des ressources, des besoins ou des idées. Nous voulons partager nos espaces. Nous pouvons prendre soins les uns des autres, et nous avons besoin que les autres s’occupent parfois de nous.

Ici, l’individuel et le privé passent au second plan. Nous préférons nous concentrer sur le collectif et le collectivisé.

Nous vivons selon un nouveau mode de citoyenneté. Nous plaçons l’accent sur l’entraide, la citoyenneté de l’entraide.

Rosa a 67 ans et est retraitée.

J’avais toujours rêvé de vieillir entourée de personnes qui m’apportent vitalité, avec leurs idées, leur musique, leurs aspirations et leur jeunesse.

Dans la coopérative de La Borda, ce rêve devient réalité. Je me sens portée par l’ensemble de la communauté. Lorsque les petits rentrent de l’école, la maison est remplie de leurs voix et de leurs rires.

Notre immeuble présente des caractéristiques idéales et dès qu’on y rentre, on se senti bien. A l’intérieur, les espaces privés sont confortables et adaptés à mes besoins.

Grâce à ma situation actuelle en tant qu’adulte retraitée, je peux consacrer une partie de mon temps à gérer les urgences, tant au niveau de la prise en charge que d’autres besoins, organiser des repas collectifs, ou enlever les vêtements des cordes à linge.

J’adore me sentir utile pour la communauté et je pense que cette entraide nous enrichit.

Coordonnées du projet

La Borda, cooperativa de Vivienda

Site web: http://www.laborda.coop