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La catastrophe de la Tour Grenfell a exposé au grand jour l’effondrement délibéré du logement social. Les locations s’érodent. Le rythme des constructions s’est effondré et des milliers de logements sociaux ont été perdus par le secteur. Les effets sont maintenant manifestes, mais à qui la faute ? Nous sommes tous en partie responsables, selon moi. Une réponse beaucoup trop molle du secteur du logement durant les dix dernières années a engendré une redéfinition et un ralentissement du secteur du logement social, avec des effets plus profonds que le programme de droit à l’accès à la propriété des années 80.

Lors des précédentes générations, cela aurait peut-être été différent. La menace d’opposition du secteur du logement aurait rendu les changements de ces sept dernières années beaucoup trop difficiles à approuver au niveau politique. Mais cette fois, le secteur est resté impassible, a préféré ne pas riposter et a accepté un peu tout et n’importe quoi. Il y avait évidemment certaines personnes qui se sont opposées à ces changements, et la Chambre des Lords a tenu à modérer certaines des mesures les plus extrêmes. Toutefois, le système du logement social est actuellement démantelé sans aucune riposte des responsables. Comment expliquer ce phénomène ?

Il faudrait presque admirer la fourberie du gouvernement. En 2010, le gouvernement de coalition venait d’être élu avec un mandat pour lutter contre le déficit. Il s’est montré particulièrement enthousiaste pour appliquer cette tâche au logement. La construction des nouveaux logements sociaux était auparavant subventionnée par le programme national du logement abordable. Ce fonds a immédiatement été réduit de 60%. En parallèle, la coalition a introduit différentes mesures permettant aux organismes de logement de tirer un revenu des loyers. Ces mesures ont tout de suite créé une tension entre les principes fondateurs des associations de logement et leur intérêt commercial.

L’exemple le plus frappant était l’introduction des « loyers abordables ». Avant 2010, les associations de logement et les municipalités fournissaient pratiquement tous les logements sociaux selon le principe des « loyers sociaux ». Les locataires devaient s’acquitter d’un loyer équivalant environ à la moitié du loyer qu’ils paieraient s’ils louaient un bien équivalent dans la même région à un propriétaire privé. Toutefois, en 2010, ce système a été abandonné et remplacé par un système de subsides uniquement disponibles pour les loyers abordables et qui charge les locataires jusqu’à 80% des loyers du marché. L’effet sur les locataires était manifeste, mais pour les associations de logement, le revenu locatif supplémentaire permettait de compenser dans une certaine mesure la perte des subventions en capital, et cela leur permettait de continuer à construire de nouveaux logements.

Une autre mesure plutôt audacieuse était l’introduction des maisons destinées aux premiers acheteurs. Sur papier, cela ressemblait plutôt à une bonne idée. Des nouveaux logements proposés à des personnes de moins de 40 ans, avec une réduction de 20% par rapport au prix du marché. Ces nouveaux logements étaient considérés comme des logements abordables, ce qui implique que les nouveaux promoteurs de logements privés pouvaient s’acquitter de leur devoir de construire un certain nombre de logements abordables, en proposant des logements à prix réduit plutôt qu’en construisant des logements sociaux. Cette mesure a réduit de façon significative une source importante de nouveaux logements abordables, et a créé une nouvelle opportunité commerciale pour certaines associations de logement.

Il y avait également d’autres mesures qui ont sans conteste porté atteinte au logement social, comme la fin de la subvention pour les logements comptant une pièce « excédentaire » : de fait, les locataires de logements sociaux devaient payer un supplément de loyer si leur logement était considéré comme étant trop grand pour eux. Une étude a démontré que cette mesure avait augmenté la pauvreté et avait des effets néfastes sur la santé, le bien-être et les relations sociales. Mais elle a également augmenté les revenus locatifs des associations de logement.

Face à des réductions des fonds publics et à la possibilité d’augmenter les loyers pour compenser les pertes, les associations de logement se sont retrouvées dans une situation insidieuse. Certaines sont restées fidèles à leurs valeurs sociales et ont trouvé des solutions innovantes pour continuer de fournir des nouveaux logements sociaux. D’autres se sont en revanche transformées en « entreprises sociales » cherchant à engendrer des bénéfices, et d’autres encore se sont empressées de quitter le secteur du logement social le plus rapidement possible. La conséquence est évidente : le secteur du logement s’est laissé devenir victime du principe de « diviser pour mieux régner ». Mais ce n’est pas les associations de logement qui souffriront. Les bilans comptables positifs démontrent qu’elles survivront, et même qu’elles prospèreront. Les vraies victimes sont les personnes à bas revenus qui doivent vivre dans des conditions de plus en plus précaires, pour des loyers de plus en plus élevés, et les personnes que le secteur devrait loger et qui devront tenter leur chance dans le secteur locatif privé qui est de plus en plus inabordable.


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