Description du Projet
Objectifs
Ce projet utilise la gestion communautaire des déchets et le recyclage comme point d’entrée stratégique pour lutter conjointement contre les problèmes environnementaux, sociaux et économiques à Kitale, ainsi que dans la province entière et le pays entier. Il vise à contribuer à la propreté de la ville et à la préservation de l’environnement, en tenant compte d’aspects socioculturels.
Contexte
Kitale est une ville de 220.000 habitants, chef-lieu du district de Trans-Nzoia dans la province de la Vallée du Rift à l’Ouest du Kenya. L’économie du district de Trans-Nzoia se repose grandement sur l’agriculture et contribue grandement à la production agricole nationale et à l’approvisionnement alimentaire national. Kitale est une bourgade importante et un carrefour commercial pour le district. Nombre de ses résidents sont des fermiers ou sont impliqués dans des activités agricoles ou horticulturales. Toutefois, les moyens de subsistance restent limités, notamment pour certains secteurs de la population comme les femmes et les jeunes. Cela engendre des revenus insuffisants, des conditions précaires de logement, un manque de sécurité alimentaire, un accès limité à l’eau et à l’énergie, et des inégalités sociales importantes.
En outre, les ménages vulnérables souffrent directement du manque de gestion environnementale, qui a un impact négatif sur leur santé et qui contribue à la détérioration de leurs conditions de vie. L’accumulation des déchets contribue directement à la pollution des terres, de l’eau et de l’air, et l’exploitation intensive des terres et l’utilisation de produits chimiques à des fins agricoles exacerbent l’épuisement des sols.
Principales caractéristiques
Le groupe Dajopen de gestion des déchets (DWM) a été créé en tant que groupe d’entraide par trente résidents (vingt femmes et dix hommes, dont neuf jeunes) d’un bidonville de la ville de Kitale, en 2007. En 2009, il a obtenu le statut d’organisation communautaire gérant une entreprise communautaire.
L’idée du recyclage des déchets afin de rendre l’environnement plus propre et d’améliorer les moyens de subsistance des membres du groupe a été présentée par un de ses membres qui a assisté à un atelier facilité par le Ministère de l’Agriculture et une ONG Kenyane. Depuis lors, le groupe vise à améliorer les conditions économiques, sociales et environnementales de la ville de Kitale et d’autres communautés via une stratégie communautaire de gestion des déchets. Ses activités ont un impact global sur les conditions de vie, avec un accent sur les moyens durables de subsistance, la propreté des quartiers et l’autonomisation des communautés.
Dans le cadre de leurs efforts pour la gestion des déchets, les membres du groupe collectent les déchets au niveau local ou les achètent aux familles dans la rue, afin de réaliser et de vendre des objets recyclés. Parmi ses produits, on retrouve des tuiles et des carrelages fabriqués à partir de plastique recyclé, des paniers, des tapis et des cordes fabriqués à partir de sacs en plastique, des bijoux, des briquettes fabriquées à partir de vieux papier, des filtres à eau fabriqués à partir de sciure mélangée avec de l’argile, des engrais biologiques, des engrais liquides et des biocides composés de déchets biodégradables.
Le groupe DWM se concentre également sur la formation d’autres groupes communautaires, tant au niveau local qu’au niveau national, sur le recyclage des déchets, sur la réalisation de produits recyclés, ainsi que sur l’agriculture biologique et l’environnement durable. Lorsque ces communautés ont bénéficié des formations, elles deviennent des groupes affiliés au DWM et créent parfois des entreprises similaires. Les formations incluent le travail avec des étudiants, des organismes gouvernementaux et des ONG et ces formations sont fournies gratuitement lors de foires agricoles ou de semaines ouvertes d’apprentissage. Les formations se donnent également via le programme de productivité agricole du gouvernement dans différentes régions du pays. Dans le cas présent, le groupe est rémunéré pour ses services. Le groupe DWM a également donné des cours gratuits sur la gestion des déchets, l’agriculture biologique et l’agriculture bio-intensive aux jeunes locaux.
Alors que ce projet est entièrement développé, géré et mis en œuvre par les membres de la communauté, le groupe DWM a développé des partenariats avec d’autres acteurs afin de réaliser, vendre et contrôler ses produits, et afin de renforcer les capacités d’autres groupes. Ces groupes incluent des organisations communautaires et des groupes d’entraide, des agences publiques, des gouvernements régionaux et municipaux, des institutions universitaires et différentes organisations non-gouvernementales.
Quel est son impact ?
- Grâce à ce projet, les 30 membres du groupe DWM, dont des femmes et des jeunes, bénéficient de meilleures opportunités rémunératrices et d’un habitat plus propre, et sont capables d’améliorer leurs propres conditions de vie.
- Des familles dans les rues de Kitale ont bénéficié de la collecte et de la vente de déchets en papier aux membres du groupe DWM.
- L’approche du groupe a un impact intégré sur les conditions sociales, économiques et environnementales des groupes affiliés auxquels le groupe DWM vend ses produits et fournit des formations. Jusqu’à présent, huit groupes communautaires ont été formés pour réaliser différents produits recyclés. Environ 3.000 agriculteurs ont été formés lors de foires agricoles, journées portes ouvertes ou semaines ouvertes d’apprentissage, et 18.000 autres personnes (membres de 46 groupes d’agriculteurs) ont reçu des formations via le programme de productivité agricole du gouvernement.
- Des décideurs politiques, des représentants gouvernementaux, des institutions non-gouvernementales et des étudiants avec lesquels le groupe a collaboré ont développé une prise de conscience sur les processus de développement communautaire, ainsi que sur des questions environnementales, socioéconomiques et agricoles. Par ailleurs, le groupe DWM participe à des activités de sensibilisation sur la gestion environnementale au niveau politique. En collaboration avec d’autres acteurs, il a contribué à l’élaboration d’une proposition politique qui a été soumise au gouvernement.
- Le groupe DWM a créé un précédent au niveau de la gestion environnementale communautaire, contribuant à la propreté de la ville et à la préservation de l’environnement.
Comment est-il financé ?
Les coûts initiaux de 1.012 dollars ont été couverts par les cotisations des membres qui s’élevaient à 6 dollars plus les contributions des membres supplémentaires, et ont été utilisés pour la location, le transport et l’achat de matériaux. En outre, chaque membre paie pour ses vêtements de protection et chaque année, il y a une cotisation de 2,43 dollars par membre pour couvrir les frais administratifs.
Afin de couvrir les frais de fonctionnement du projet, chaque membre donne 30 pour cent de ses ventes à la caisse du groupe et garde les 70 pour cent restants. À la fin de l’année, environ 20 pour cent de ce fonds collectif est réparti entre les membres, et 80 pour cent est réinvesti dans le projet (selon la décision des membres). Un emprunt unique de 1.218 dollars a été contracté avec une banque privée afin de couvrir les coûts des engrais biologiques et a depuis été remboursé.
Aspects innovants
- Le projet DWM est orienté tant vers la production que vers les services (au niveau des formations).
- Il développe, produit et promeut des produits innovants, abordables et durables qui améliorent les conditions de vie des populations vulnérables de façon intégrée.
- Il chercher à lutter contre des problèmes environnementaux et les problèmes des déchets urbains en analysant les questions socioéconomiques de la communauté.
- Ce projet entrepreneurial est entièrement développé par la communauté, incluant l’étendue du projet et les stratégies de transfert.
Quel est son impact sur l’environnement ?
En tant qu’initiative axée sur la gestion des déchets et le recyclage, le projet DWM se repose entièrement sur la réutilisation de matériaux locaux. Il contribue directement à la modification des comportements des membres vulnérables de la communauté au niveau de la gestion des déchets, et encourage des modes de vie durables. Depuis sa création, 95 pour cent des membres ont modifié leur méthode de gestion des déchets.
Le projet englobe la production et la vente de briquettes, qui représentent des combustibles moins coûteux et disponibles localement pouvant être utilisés pour la cuisine et le chauffage et contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté énergétique. Le projet DWM enseigne également à d’autres communautés comment réaliser des filtres à eau, améliorant la qualité et l’accès à l’eau. Ses collaborations avec des représentants gouvernementaux, d’autres groupes communautaires et des étudiants ont contribué à faciliter la généralisation des approches de gestion environnementale.
L’approche DWM a également un impact sur l’environnement, collectant et recyclant des déchets, réduisant ainsi la pollution de l’air, des terres et de l’eau, et permettant la préservation de la faune et de la flore locales. En outre, l’utilisation d’objets recyclés et de sources alternatives d’énergie contribue à la réduction de la déforestation, alors que la diffusion de méthodes agricoles écologiques réduit la dégradation des terres agricoles au niveau national.
Viabilité financière
Le projet est viable financièrement depuis quatre ans, se reposant à la base sur les contributions des membres et ensuite sur les revenus générés par la vente des produits, ainsi que sur les fonds reçus pour les formations commanditées par le gouvernement kenyan. Afin d’étendre son travail, le groupe DWM recherche actuellement des sources supplémentaires de financement ainsi que des bailleurs potentiels.
Le projet développe et promeut des opportunités de génération durable de revenus via le recyclage de déchets pour les groupes communautaires vulnérables et la génération d’une nouvelle source de revenus pour les familles impliquées dans la collecte et la vente de déchets urbains. Par ailleurs, les agriculteurs reçoivent des engrais écologiques et des formations sur les méthodes agricoles écologiques.
Indirectement, le projet permet également aux membres de la communauté d’économiser de l’argent en améliorant leur accès à des ressources et produits locaux peu coûteux, comme l’énergie (combustible, eau) et des matériaux de construction (tuiles et carrelages recyclés).
Quel est l’impact social du projet ?
Ce projet contribue à améliorer les conditions sanitaires des membres de la communauté grâce à la réduction de la présence de vermine, de la pollution des terres, de l’eau et de l’air, et des inondations et des incendies. Le projet inclut également la production de filtres à eau recyclés et de répulsifs pour les moustiques.
Le projet se repose sur l’auto-organisation et la coopération des membres du groupe DWM, et sur la fourniture d’une aide à d’autres groupes communautaires. Il renforce dès lors les compétences des membres vulnérables de la communauté, encourage la productivité collective et joue un rôle de catalyseur pour la coopération communautaire, tout en permettant aux membres vulnérables de la communauté de contribuer positivement à l’économie, à l’environnement et à la société.
Le projet améliore les conditions sociales, économiques et environnementales des groupes vulnérables, notamment des femmes (qui réalisent 80 pour cent du travail), des jeunes, des familles de la rue et des petits agriculteurs, permettant ainsi de réduire les inégalités sociales.
La collaboration entre les membres de la communauté et les acteurs institutionnels représente un changement positif au niveau des processus de gouvernance au Kenya, où les communautés sont impliquées en tant que citoyens actifs et sont reconnues comme ayant des connaissances et des expériences précieuses.
Obstacles
- Au départ, le projet a été confronté à la réticence de la communauté locale et des autorités locales qui étaient circonspectes à l’idée de réaliser des produits à partir de déchets. Des ateliers ont été organisés afin de sensibiliser les acteurs sur la sécurité du recyclage et des produits recyclés. Le groupe DWM a également organisé des campagnes de sensibilisation du public sur la gestion des déchets afin de soulever l’intérêt de l’ensemble de la communauté.
- Le financement a toujours été et reste un défi important, malgré la durabilité relative atteinte par le projet.
- L’absence de stratégie de diffusion et de marketing pour ses produits a quelque peu freiné l’étendue de l’approche DWM, et le groupe cherche maintenant à développer cet aspect de son travail.
Leçons retenues
- Les déchets représentent des ressources directement disponibles que les communautés locales et les agriculteurs peuvent facilement exploiter. Leur recyclage contribue à améliorer les conditions des communautés vulnérables de façon globale, leur permettant de lutter conjointement contre des problèmes environnementaux, économiques et sociaux.
- La gestion des déchets est une activité qui peut être reproduite un peu partout.
- La recherche d’autonomie financière et de ressources locales et le développement de partenariats stratégiques avec une large gamme d’acteurs sont des éléments clés du succès de ce projet.
- Grâce à l’aide d’autres acteurs, il est possible d’étendre le projet et d’en faciliter son transfert via des stratégies communautaires.
Évaluation
Si aucune évaluation officielle n’a été réalisée jusqu’à présent, l’impact positif des activités du groupe sur les conditions de vie de ses membres est évident. En outre, le groupe DWM contrôle la qualité de ses produits en partenariat avec différentes institutions de recherche et universitaires.
Transfert
On a constaté une hausse importante de la vente des produits du groupe au cours de ces dernières années. Ainsi, la vente d’engrais écologique est passée de 320 sacs en 2009 à 1.490 sacs en 2010.
Le groupe DWM a fourni des formations à d’autres groupes d’entraide dans la région de Kitale, dans le district de Trans-Nzoia et dans la province de la Vallée du Rift, ainsi que dans d’autres provinces du pays (Nyanza, provinces au centre et à l’ouest du pays). Certains des groupes formés ont créé des entreprises similaires au niveau local et au niveau national.
Le projet DWM a accueilli des étudiants kenyans et des étudiants américains et mozambiquiens, ainsi que des stagiaires et des bénévoles, ce qui a contribué à la diffusion de l’approche.
Le projet a également accueilli des représentants municipaux d’Ouganda (Mbale et Sironko), qui ont ensuite développé des initiatives similaires dans leurs communautés (fabrication de briquettes à Sironko ; production d’engrais biologique à Mbale), ainsi que des délégations de Madagascar, de la République démocratique du Congo et d’Éthiopie.