Depuis 2006, Actions Solidaires de Soutien aux Organisations et d’Appui aux Libertés (ASSOAL) collabore avec le Réseau National des Habitants du Cameroun (RNHC) pour développer différentes façons d’améliorer l’accès à des logements abordables et faire du lobbying afin d’améliorer les politiques nationales. Parmi les problèmes abordés figurent l’accès à la propriété, le logement locatif et l’amélioration des quartiers via des processus inclusifs et démocratiques. ASSOAL et le RNHC ont débuté une série d’interventions pilotes pour démontrer la validité des nouvelles approches telles que la budgétisation participative et les coopératives de logement financées par des fonds renouvelables. Pour soutenir ces différentes initiatives, ASSOAL organise des activités de diffusion et de renforcement des capacités des différents acteurs.

 

Description du projet

Objectifs

ASSOAL vise à améliorer l’accès à des logements décents et sûrs et à des services sociaux basiques grâce à des processus démocratiques au Cameroun, tout en créant une culture de participation des citoyens et en renforçant les capacités des populations pauvres afin d’améliorer leurs conditions de vie. En collaboration avec le RNHC, ASSOAL crée des coopératives de logement et encourage la budgétisation participative tout en prônant le développement et la mise en œuvre de politiques adéquates. Les bénéficiaires ciblés sont les communautés pauvres du pays qui englobent environ 250 000 personnes, avec un accent spécial sur les femmes et les jeunes. À long terme, ASSOAL espère atteindre 40 pour cent des citadins camerounais.

Contexte

Yaoundé est un bon exemple des conditions de vie urbaines au Cameroun. La population a pratiquement doublé pour atteindre environ deux millions de personnes au cours des dix dernières années, alors que les investissements dans le secteur urbain ont pris du retard, le nombre de services et facilités n’ayant augmenté que très légèrement. Le nombre de quartiers informels a augmenté rapidement, exacerbant les problèmes socioéconomiques. Près de 70 pour cent de la population urbaine vit dans des zones précaires, plus de 50 pour cent vivant en dessous du seuil de pauvreté. Le régime foncier est mal réglementé, des titres de propriété étant accordés pour seulement 10 pour cent des terres, et l’accès aux prêts immobiliers reste très limité à cause des taux d’intérêt très élevés. Au Cameroun, 5,6 millions de personnes vivant dans des taudis sont confrontées aux mêmes problèmes car le secteur urbain est miné par des problèmes structurels tels que la pénurie de logement et les problèmes de gouvernance liés à la culture latente des services publics et au manque de transparence, de participation et de responsabilité.

Principales caractéristiques

Afin de démontrer la validité des nouvelles approches telles que la budgétisation participative et les coopératives de logement, ASSOAL et le RNHC ont mis en œuvre une série d’interventions pilotes. Par exemple, dans la périphérie de Yaoundé, un projet pilote de coopérative de logement est en cours pour améliorer l’accès à des logements abordables. Il englobe des maisons de 80 m² d’espace habitable avec trois chambres et un salon, une cuisine, une salle-de-bain et une véranda, avec de l’eau potable et l’électricité. Trois cents maisons doivent être construites et les trois premières constructions sont terminées. Le projet se base sur la main-d’œuvre locale et des matériaux locaux. L’objectif global est de permettre la construction de 1 500 maisons dans le pays par le biais de 17 coopératives de logement. Ces coopératives de logement se basent sur un fonds renouvelable contrôlé par un Conseil d’administration, un secrétariat technique chargé de la réception et de l’analyse des demandes des coopératives et un comité chargé du suivi de l’utilisation des ressources. Un comité directeur contrôle les orientations stratégiques et réalise des analyses techniques semestrielles pour garantir la qualité et adapter les actions futures. Il approuve la liste des projets sélectionnés et se charge de la liaison avec les autorités régionales de planification urbaine pour garantir la coordination entre les acteurs.

En outre, en 2003, ASSOAL a développé les deux premiers projets pilotes sur la budgétisation participative sur base du modèle brésilien. En 2008, 19 autres projets de ce type pour l’amélioration des quartiers ont été développés en trois phases de 12 mois chacune.

  • Phase 1: Introduction au concept de budgétisation participative, approbation de la communauté et des autorités locales, recherche de fonds ;
  • Phase 2: création d’assemblées communes de délégués, organisation du processus d’établissement des priorités, et vote ;
  • Phase 3: allocation de fonds et mise en œuvre, utilisation de SMS par la communauté pour suivre les progrès et les résultats.

Pour l’instant, le processus de budgétisation participative a accordé la priorité à la fourniture d’infrastructures (approvisionnement en eau, éclairage public et amélioration des routes), aux programmes sociaux (santé et création d’emploi), et à la construction de logements.

En outre, le programme se concentre également sur le renforcement des capacités aux niveaux local, national et international :

  • Améliorer l’organisation de la communauté en rédigeant des chartes et des guides facilitant l’action locale et la participation publique dans l’élaboration des politiques, en organisant des séminaires de diffusion et en formant 300 responsables de communautés ;
  • Soutenir la création et le développement de réseaux d’associations tels que le RNHC et la plateforme associative pour la promotion des droits économiques, sociaux et culturels au Cameroun ;
  • Promouvoir et organiser des plateformes internationales de partage des connaissances sur le processus de budgétisation participative, pour permettre la reconnaissance et l’utilisation de cette approche en tant qu’outil innovant de gestion financière participative.

Enfin, ASSOAL réalise également du lobbying pour le droit au logement et la sécurité d’occupation, et pour influencer et promouvoir de meilleures politiques en matière de logement et de développement urbain.

Coûts

La plupart des coûts sont couverts par les contributions de bailleurs tels que CORDAID, l’Union européenne, la Banque mondiale, ONU-HABITAT et la Coopération française au Cameroun. Par ailleurs, ASSOAL et ses partenaires (coopératives et organisations associatives) s’engagent à mobiliser au moins dix pour cent du budget annuel qui est d’environ 1,7 million de dollars.

Plus spécifiquement, les interventions relatives aux processus de budgétisation participative sont financées par fonds publics et privés obtenus grâce au lobbying aux plus hauts niveaux et aux négociations directes avec les municipalités, alors que le projet pilote en matière de coopérative de logement est financé par un fonds renouvelable. Ce fonds a reçu un financement initial :

  • des épargnes des membres collectées par des organisations de microfinance, équivalant à 20 pour cent des coûts des logements ;
  • des subventions publiques ;
  • des prêts du Crédit Foncier national.

Le Fonds fixe un taux d’intérêt d’un pour cent et est refinancé par les remboursements d’emprunts, la coopérative adoptant un mécanisme de solidarité en cas de problèmes de paiement de certaines personnes.

Impact

  • En plus d’améliorer l’accès au logement et aux services basiques, le travail d’ASSOAL a créé un environnement favorable pour la démocratie, les négociations et la reconnaissance des droits des citoyens.
  • Au niveau municipal, le programme a contribué au renforcement des capacités des autorités locales et à la facilitation de la collaboration avec leurs citoyens. Les municipalités ont commencé à mobiliser les ressources pour le développement urbain, et les formations ont permis une meilleure compréhension des services.
  • Le travail d’ASSOAL a influencé les politiques nationales, créant un environnement favorable pour d’autres acteurs.
  • La budgétisation participative a stimulé l’économie locale et initié le dialogue entre les municipalités et les entreprises locales.
  • Les approches participatives ont été assimilées par certaines autorités locales qui les ont appliquées à de nouveaux quartiers.

Aspects innovants

  • Le développement des premières expériences de budgétisation participative au Cameroun, qui ont été très innovantes dans le contexte de la région et qui ont maintenant été étendues à d’autres villes africaines.
  • La réduction des coûts des logements et la facilitation de l’accès aux crédits grâce à une stratégie financière basée sur l’utilisation de fonds renouvelables.
  • L’établissement de liens entre les projets pilotes et la formulation de politiques nationales, en influençant les politiques au niveau national.
  • L’utilisation des technologies de l’information (Internet et SMS) en tant qu’outil de mobilisation, de partage d’informations et de suivi des projets.

Quel est l’impact sur l’environnement ?

Bien que des matériaux importés soient utilisés pour certains éléments comme le ciment pour les sols, la plupart des matériaux utilisés pour la construction de logements ont une faible énergie grise comme les briques de terre et d’autres matériaux locaux.

Le projet a permis la fourniture de services basiques aux communautés qui ne disposaient pas de tels services. La fourniture d’électricité dans les logements diminue l’utilisation d’autres sources énergétiques comme le bois ou le charbon, et l’installation de latrines et de systèmes de traitement des déchets a permis de diminuer la pollution de l’eau. Trois systèmes mobiles de collecte de déchets ménagers ont été installés dans trois quartiers, profitant à 3 500 habitants. Un système a également été installé pour la gestion des déchets électriques et électroniques.

Le projet est-il viable sur le plan financier ?

  • Le travail d’ASSOAL est financé par des contributions de bailleurs, des fonds publics, des emprunts bancaires pour les coopératives et des contributions des membres. Si ces sources de financement sont susceptibles d’être modifiées à l’avenir (changement de gouvernement, changement de priorités, crise économique, etc.), la large gamme de sources de financement permet de réduire les risques.
  • Le programme a démontré l’efficacité de mécanismes de fourniture de logements abordables et accessibles pour les personnes en situation de pauvreté. Ces mécanismes incluent des plans d’épargne, des fonds renouvelables avec de faibles taux d’intérêt et des coopératives de logement, qui permettent aux communautés d’aborder collectivement les difficultés et de réduire le risque d’expulsions forcées.
  • La production de matériaux et la construction via des techniques à forte intensité de main-d’œuvre ont permis de générer de l’emploi au niveau local. Le programme a également développé des activités avec une redistribution indirecte de revenus pour plus de 500 jeunes et femmes. Par exemple, le programme « jeunesse et entrepreneuriat » a créé 250 activités générant des revenus. En outre, les dommages économiques engendrés par le manque de logements décents, de services et d’équipements ont été réduits.

Quel est son impact social ?

Ce programme a permis de conscientiser la communauté sur sa capacité collective d’influencer les prises de décisions. La coopération entre différents acteurs grâce au dialogue a permis de présenter des objectifs communs aux autorités locales. Les communautés ont pu plus facilement définir leurs priorités et réaliser leurs aspirations, notamment via la mobilisation des acteurs et des bénéficiaires, l’élaboration de propositions alternatives pour le financement des logements et des services basiques, et le suivi local des services effectués par les municipalités.

L’engagement des résidents dans les activités participatives, comme les processus de budgétisation participative et les coopératives de logement, a amélioré leur niveau d’engagement dans la définition et la gestion des politiques locales, tout en créant des mécanismes de rétroaction qui influencent les stratégies nationales de développement urbain.

Le programme s’est concentré sur des groupes vulnérables et marginalisés, à savoir les femmes, les jeunes et les personnes handicapées, en tant que bénéficiaires et acteurs importants de la transformation urbaine, avec plusieurs services dédiés à la réduction des inégalités sociales existantes. Les femmes sont progressivement de plus en plus impliquées dans les espaces de participation, et des ateliers sont organisés pour différents groupes spécifiques, notamment sur l’égalité des sexes et les droits fonciers.

ASSOAL a également créé un environnement plus sain. Une meilleure qualité de l’eau, de meilleurs sanitaires et un système de traitement des déchets, en plus de formations et campagnes sur des pratiques en matière d’hygiène, ont engendré une réduction des taux de mortalité et de morbidité (réduction des infections helminthiques, du choléra, de la malaria, etc.). Les maisons sont construites selon des normes plus sûres et les routes sont mieux entretenues, ce qui réduit le risque d’accidents.

Obstacles

  • Les difficultés avec les organismes publics à cause de la bureaucratie excessive, de la pénurie de services publics, du manque de reconnaissance de la diversité des bénéficiaires, et de la tendance à s’opposer à la décentralisation et aux processus participatifs. Ces problèmes ont été résolus via des contacts permanents et des échanges réguliers entre les acteurs institutionnels, les membres de la société civile et le secteur privé pour bâtir de meilleures relations à long terme.
  • Le manque d’implication et d’engagement des résidents dans l’entretien des maisons et de l’infrastructure. Pour contrer cela, ASSOAL a mis en place des comités d’entretien et a enseigné aux résidents l’importance de l’implication dans l’entretien.
  • La planification était parfois trop ambitieuse par rapport aux ressources disponibles, et des ajustements ont été faits sur base des leçons retenues des premières expériences.
  • La capacité limitée de suivre les résultats a été rectifiée grâce à l’implication des citoyens via le signalement de problèmes par SMS.

Leçons retenues

  • Les goulots d’étranglement relatifs à la participation des résidents sont non seulement dus à la réticence des autorités de déléguer les prises de décisions, mais également au fait que les résidents sont souvent réticents à accepter des responsabilités sauf s’ils sont impliqués de façon efficace. Par exemple, la participation des jeunes était très faible, mais le développement de concepts attrayants comme l’utilisation de SMS a permis de soulever davantage d’enthousiasme.
  • Il est nécessaire de s’adapter à la capacité des différentes municipalités à suivre les activités proposées afin d’être efficace.
  • Le lobbying à long terme et la création de précédents peuvent être plus efficaces que les troubles sociaux.

Évaluation

Le suivi des processus de budgétisation participative est réalisé par ASSOAL en cours de projet et par un consultant indépendant. En 2011, une analyse d’impact a été réalisée à Yaoundé par un consultant en utilisant des statistiques et des méthodes participatives pour collecter et comparer des données avec les statistiques initiales. En 2012, l’Institut de la banque mondiale a suivi la composante TIC du programme d’ASSOAL.

Transfert

De nombreuses expériences pilotées par ASSOAL sont actuellement étendues à d’autres villes, notamment le modèle des coopératives de logements qui est appliqué à 1 500 logements, et les processus de budgétisation participative qui sont proposés à 90 villages dans le pays. Un travail de suivi est effectué par ASSOAL sur plusieurs projets pour garantir qu’ils s’appuient sur les capacités existantes. Ces initiatives sont transférées selon des orientations élaborées via des activités promues par ASSOAL, comme un guide sur la participation des citoyens, une charte pour les actions locales, des méthodes de budgétisation participative, etc.

ASSOAL joue un rôle important au niveau politique et plusieurs aspects de son travail sont de plus en plus adoptés par les autorités locales et centrales. Des discussions ont notamment été ouvertes sur l’utilisation de la conception de maisons prônée par ASSOAL pour la construction de 10 000 logements sociaux.

L’organisation a également contribué à la création de plusieurs plateformes nationales pour promouvoir la budgétisation participative et les coopératives de logement.

Sur le plan international, ASSOAL a été impliqué dans l’élaboration d’une « Charte d’intentions pour la promotion de la budgétisation participative en Afrique » qui sert de base pour les nouveaux projets de budgétisation participative dans la région.

Des échanges de connaissances ont également été organisés avec la République démocratique du Congo, le Maroc, le Sénégal et le Kenya, et des professionnels de 13 pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Europe sont venus découvrir le travail de l’organisation.