Il s’agit d’un des plus grands et plus ambitieux programmes de coopératives d’habitation en Europe, résultant d’une collaboration entre 50 coopératives différentes. Treize bâtiments avec près de 400 logements, 35 commerces et de nombreux espaces communautaires et infrastructures de quartier (école maternelle, centres d’accueil, etc.) fournissent des logements écologiques à des personnes venant de différents milieux sociaux et possédant différents revenus. Le projet promeut la diversité sociale, de la conception architecturale à l’allocation des logements.
Détails complets
Description du projet
Ce projet est un grand programme de coopératives d’habitation cherchant à anticiper les besoins futurs de sa communauté et développer des bâtiments et des solutions permettant de répondre à ces besoins.
Les bâtiments doivent utiliser le moins d’énergie possible et promouvoir des modes de vie durables, réduisant l’utilisation des voitures et les demandes de chauffage. Cela permet aux résidents de respecter le modèle d’une société à 2.000 watts adopté par la ville de Zurich.
La société à 2.000 watts est un projet environnemental développé par l’École polytechnique fédérale suisse. Ce projet cherche à obliger chaque habitant à réduire sa consommation d’énergie pour atteindre un niveau pouvant être atteint par le fonctionnement continu d’un générateur de 2.000 watts. La consommation moyenne d’énergie est actuellement de 5.000 watts par personne en Suisse. La ville de Zurich s’est engagée à développer une société permettant à ses citoyens de ne consommer que 2.000 watts d’ici 2050.
Ce projet est développé en gardant à l’esprit l’évolution de la composition des ménages. Il doit fournir des logements à des ménages de tous types incluant des personnes âgées, des personnes célibataires et des familles traditionnelles. Ce programme dispose d’appartements de différentes tailles et intègre des espaces collectifs et des logements destinés à différents types de familles.
Treize bâtiments avec près de 400 logements, 35 espaces commerciaux et de grands espaces communautaires ont été construits entre l’automne 2014 et l’été 2015. Le projet a été terminé à la fin de l’année 2015, avec la location de tous les logements et de 90% des espaces commerciaux. En 2016, quelques 1.200 résidents et 150 employés vivent et travaillent dans les bâtiments du projet.
Objectifs
Les coopératives en Suisse doivent fonctionner selon le principe consistant à aider les personnes à s’entraider. Ce projet se base sur cette tradition.
Parmi les autres objectifs, on retrouve la création d’une communauté qui englobe des ménages et de familles de tous types. L’ethos est une communauté ouverte à tous, en particulier aux personnes ayant besoin de logements abordables et d’espaces de travail abordables. Il cherchait également à promouvoir la prise d’initiatives et l’auto-organisation dans les structures démocratiques basiques et à appliquer la vision d’une société à 2.000 watts.
Contexte
La population suisse vieillit rapidement. La Suisse possède une des plus hautes espérances de vie et un des taux de natalité les plus bas du monde. Cela a engendré une hausse du nombre de personnes âgées, et nombre d’entre-elles sont célibataires. Par conséquent, la composition des ménages suisses évolue, avec de plus en plus de personnes célibataires et de plus en plus de personnes âgées.
Zurich possède un grand secteur de coopératives d’habitation. Plus de 25% des logements de la ville sont à but non lucratif. La majorité de ces logements appartiennent à des coopératives d’habitation. Toutefois, pendant de nombreuses années à la fin du vingtième siècle, le taux de construction dans la ville était extrêmement faible. La situation a engendré une montée en flèche de la valeur des logements et de nombreuses personnes ne pouvaient plus se permettre de logements dans la ville.
En 2011, il y a eu un référendum local lors duquel la ville a voté l’augmentation du pourcentage de logements à but non lucratif pour lui permettre d’atteindre 33% d’ici 2050. Afin d’atteindre cet objectif, l’autorité locale a libéré de nombreux sites pour la construction de logements sociaux.
Le quartier d’Hunziker Areal, où le projet « Plus qu’un logement » est basé, était un des sites libérés par l’autorité locale. Il s’agissait d’un grand site de quatre hectares situé au nord de la ville. Il englobait un terrain en friche à côté d’une usine de recyclage. Il était généralement considéré comme un quartier désuet de la ville.
La nature, la situation et la taille du site rendaient ce projet très risqué. Aucune coopérative seule ne pouvait ou ne voulait développer ce site. Toutefois, un consortium d’une trentaine de coopératives s’est formé pour développer ce projet.
Principales caractéristiques
La participation est au cœur de toutes les activités du projet. Un processus de dialogue a été introduit au début de la conception des bâtiments et s’est poursuivi tout au long du projet, jusque dans la gestion des bâtiments terminés.
La conception architecturale, par exemple, a été décidée via un concours d’architecture, qui a débouché sur des groupes de discussion auxquels ont participé non seulement le jury et les équipes gagnantes mais également les futurs résidents, les voisins, les coopératives et des représentants de l’autorité locale.
Jusqu’au début de la construction en 2012, le feedback et les opinions des parties prenantes ont été prises en compte. Des espaces ouverts spécifiques et une partie des alentours ont été délibérément restés inachevés lorsque les personnes ont commencé à emménager, de sorte de laisser les résidents décider de la façon dont ces espaces seraient utilisés.
Tous les locataires sont invités à jouer un rôle actif dans le façonnement du voisinage. Des espaces communs non-commerciaux sont accessibles gratuitement. En outre, un budget annuel d’environ 80.0000 CHF (83.000 dollars) venant du fonds de solidarité est à la disposition des locataires pour des initiatives communautaires, comme des potagers, des jardins communs, une épicerie, des cafés, des boutiques de troc et des cours de danse ou de yoga. Ce fonds est constitué à partir des contributions des résidents.
Actuellement, plus de 40 groupes sont soutenus par le projet. En outre, des relations étroites et des initiatives conjointes avec l’école locale et d’autres réseaux sociaux du nord de Zurich, comme un projet de travail pour les jeunes, ont été établies.
Quel est son impact ?
Le projet « Plus qu’un logement » a été conçu comme une innovation. Cela signifie qu’il est utilisé pour tester différents projets de recherche comme la société à 2.000 watts.
Comment est-il financé ?
Le développement a été financé par des fonds des membres fondateurs, des emprunts de la Ville de Zurich, des fonds nationaux pour les coopératives d’habitation et des emprunts de banques commerciales, pour un total de 195 millions CHF (202,5 millions de dollars). Le projet espère pouvoir rembourser les emprunts avant les dates d’échéance.
La coopérative se base sur des principes à but non lucratif. Cela signifie qu’il n’y a pas d’actionnaires commerciaux et qu’il n’y a pas de paiement d’excédents aux membres autre que le paiement des intérêts surs les fonds propres des membres. Pratiquement tous les revenus proviennent des loyers. Les revenus doivent couvrir les remboursements des emprunts et les frais de fonctionnement, et financer des rénovations et des investissements en matière d’infrastructure.
Les appartements sont loués à des loyers généralement inférieurs à un tiers des revenus des ménages. Le loyer moyen pour un appartement familial de quatre chambres est de 2000 CHF (2.000 dollars) par mois. Cela représente environ 70 à 80% des taux du marché.
Vingt pour cent des ménages de la coopérative ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté suisse. Le loyer de ces ménages est subventionné.
En Suisse, une limite d’augmentation des loyers est imposée chaque année aux coopératives. Les budgets sont fixés et, si nécessaire, les coûts sont adaptés pour garantir que les loyers respectent ce plafond. Ce plafond correspond au montant nécessaires aux coopératives pour couvrir ses charges financières (taux d’intérêt, déductions), les réserves pour les rénovations et les coûts administratifs. Il s’agit du montant maximum que les coopératives peuvent charger.
Aspects innovants
L’étendue de ce projet en fait un des plus grands et plus ambitieux programmes de coopérative d’habitation en Europe.
Les caractéristiques écologiques de ce projet dépassent largement les exigences légales. Ce projet est le plus grand quartier à 2.000 watts et est un grand banc d’essai pour un mode de vie produisant peu de carbone.
La politique délibérée de promotion de la diversité sociale tout au long du projet est innovante. Ces concepts sont inclus dans la conception architecturale (pour répondre aux besoins multiples), ainsi que dans la gestion de l’allocation des locations (en engageant des organisations travaillant avec différents groupes sous-représentés).
Le projet réunit les connaissances des coopératives traditionnelles et les nouvelles idées des coopératives plus récentes, en vue de développer une nouvelle forme complexe et expérimentale de cooperative.
Quel est son impact sur l’environnement ?
Le complexe du bâtiment est conçu de façon à être compatible avec une société à 2.000 watts. Cela implique que la consommation d’énergie du bâtiment doit être suffisamment faible pour permettre aux résidents d’y vivre et atteindre l’objectif de 2.000 watts en adaptant de façon réaliste leurs modes de vie. Jusqu’à présent, les habitudes des résidents n’ont pas encore été suffisamment réduites pour atteindre l’objectif de 2.000 watts en matière de consommation énergétique, mais les initiatives promues par le projet ont contribué à se rapprocher de cet objectif.
L’espace au sol est de 33 m2 par personne, ce qui est inférieur à la moyenne à Zurich (42 m2). Il n’y a pas de machines à laver individuelles. En lieu et place, des laveries gratuites et communes sont prévues dans chaque bâtiment résidentiel, comprenant des machines écologiques. Les grands congélateurs privés sont remplacés par des congélateurs à louer.
Le projet génère 45% de son électricité via des panneaux photovoltaïques placés sur les toits. Le chauffage est fourni via un système de chauffage centralisé.
Le bâtiment a été construit en utilisant des matériaux utilisant peu d’énergie grise. Deux maisons ont été entièrement construites en utilisant du bois massif, et une autre a été construite avec du béton isolant. Tous les bâtiments possèdent des niveaux extrêmement élevés d’isolation thermique.
Le projet englobe une zone pratiquement sans voiture et possède un bon système de transport public. Il englobe également un parking pour vélos supérieur à la moyenne et seulement 106 places de parking pour les voitures destinées aux personnes handicapées et aux locataires des espaces commerciaux (employés de la boulangerie, par exemple). Les résidents ne possèdent pas de voitures mais utilisent le programme national de covoiturage ou choisissent entre deux voitures électriques et des vélos appartenant à la coopérative.
Les arbres et arbustes indigènes améliorent la biodiversité et une maison possède un jardin vertical. Deux jardins urbains communs et des espaces pour les herbes sont cultivés par les residents.
Quel est l’impact social du projet?
Un objectif du projet est de créer un quartier vivant où les résidents aiment vivre, travailler et passer leur temps libre.
Ce projet est destiné aux personnes de toutes les couches sociales et de tous les âges. En étudiant les besoins de logement du futur, le projet offre des espaces pour tous types de ménages, des logements pour célibataires à des appartements familiaux en passant par des grands appartements avec jusqu’à 15 chambres.
Le projet a activement approché les groupes exclus et les ont aidés via des activités visant à faciliter leur intégration. Bien que les loyers soient déjà bas par rapport aux loyers du marché, 80 appartements sur 370 sont subventionnés à hauteur de 20% par les autorités publiques. Dix pour cent des appartements sont réservés aux associations et fondations à but non lucratif qui travaillent avec des personnes handicapées, des familles immigrantes, des familles avec des budgets limités ou avec des enfants en institutions.
La structure de la coopérative offre un cadre où les résidents peuvent participer et façonner leur communauté, ce qui leur permet de développer des réseaux sociaux et fournit un environnement sûr et approprié. Environ 65% des résidents n’avaient jamais vécu dans une coopérative d’habitation auparavant, et ont dès lors été accompagnés pour participer efficacement dans les structures démocratiques de la coopérative. Avec plus de 300 enfants de moins de 17 ans, la communauté englobera lors de la prochaine décennie de nombreux jeunes adultes avec une bonne compréhension de la viabilité écologique et sociale et une compréhension des principes de la cohabitation.
La vie dans une communauté promeut l’intégration sociale et interculturelle. Les échanges avec les voisins permettent également d’apprendre à gérer des conflits.
Viabilité financière
Le projet est viable financièrement. Il devrait pouvoir rembourser ses emprunts avant la date prévue. Les remboursements et les coûts opérationnels sont pris en charge par les revenus des locations. Chaque résident devient un membre de la coopérative et achète des actions. Grâce à ce système, les fonds augmentent avec le temps et le capital social peut être réduit.
Le projet a créé 150 emplois, ce qui permet d’augmenter la richesse de la communauté.
Les loyers pratiqués sont 20 à 30% inférieurs aux loyers du marché, ce qui permet d’engendrer des économies pour les personnes qui habitaient avant dans ces autres logements.
Obstacles
Un des principaux obstacles rencontrés était la complexité du projet qui a été sous-estimée. Il était assez difficile de développer un si grand projet avec cinq bureaux d’architectes, des centaines de planificateurs spécialisés, qui ont été invités à se montrer innovants, et un entrepreneur devant réduire au maximum les prix (pour garder des loyers peu élevés).
En tant que nouvelle coopérative, un autre obstacle était de trouver les fonds nécessaires. L’aide des grandes coopératives de Zurich s’est avérée déterminante. Elles ont donné de la crédibilité à la fiabilité du concept et ont fourni le financement nécessaire pour le développement du projet. Leur relation de longue durée avec les institutions financières et la Ville de Zurich a permis de trouver des garanties et des emprunts avec de faibles taux d’intérêt.
Leçons retenues
Concernant la diversité sociale des résidents, le projet englobe des personnes de différents milieux sociaux et de tout âge, mais les personnes de plus de 70 ans sont sous-représentées.
Le projet a constaté que les personnes âgées avaient besoin de plus de temps pour se décider à emménager dans une nouvelle communauté, mais il y avait une pression financière pour louer tous les appartements le plus rapidement possible. Les coopératives reconnaissent à présent qu’elles auraient dû réserver davantage de petits appartements pour les personnes âgées afin de faciliter leur participation au projet.
Le projet a réservé une partie des quatre hectares du site pour des développements futurs. Cela pourrait permettre d’adapter l’allocation des espaces selon le feedback des residents.
Évaluation
Trois évaluations distinctes sont en cours mais aucun rapport n’a encore été rédigé :
Un programme de recherche de trois ans évalue actuellement la contribution du projet au concept d’une société à 2.000 watts.
Un programme de recherche de trois ans en collaboration avec l’Age Foundation of Zurich évalue l’évolution démographique de la coopérative.
Une évaluation financière est actuellement réalisée avec l’entrepreneur principal, Steiner AG.
Reconnaissance
Lauréat du « Prix européen de l’habitat collaboratif » en 2016[1].
Prix des Meilleurs architectes pour « Mehr als Wohnen, Haus G »[2].
Nomination pour le “Auszeichnung für gute Bauten 2011 – 2015“ de la Ville de Zurich[4] (les lauréats n’ont pas encore été annoncés).
Il y a plusieurs publications sur le site web du projet (cliquer sur « Medienspiegel ») en allemand, et le projet a également été mentionné à la télévision et dans des films[5].
La coopérative propose des visites guidées pour des groupes et des particuliers. Depuis mai 2015, plus de 3.300 personnes ont visité le site. La plupart de ces personnes venaient de Suisse mais le projet a accueilli des visiteurs venant des quatre coins du monde.
Le développement du programme a eu un grand impact sur le développement du nord de Zurich en tant que quartier durable et vivant. Plusieurs projets de construction ont débuté dans le quartier, qui était auparavant un terrain en friche qui n’attirait personne. Ces projets ont des objectifs similaires et sont dirigés par des coopératives ou des autorités publiques, comme « Leutschenbach Mitte » par la Ville de Zurich ou « ThurgauerstrasseWest », une coopération entre la Ville et des coopératives.