Adrienne Van Vyve travaille avec les Infirmiers De Rue à Bruxelles, une des organisations partenaires de 400 Toits-Daken, membre de la Campagne européenne sur le sans-abrisme de rue.
Notre organisation, les Infirmiers De Rue, demande une politique de dépistage actif des sans-abri au virus du COVID-19.
Aujourd’hui, les sans-abri sont pratiquement les seules personnes qui restent dans les rues de nos villes. On nous conseille de « rester à la maison » et de « nous laver les mains régulièrement », ce qui est tout simplement impossible dans leur cas. Ces hommes et femmes ont de grandes chances d’attraper le virus, ce qui non seulement serait dévastateur pour eux, mais qui en plus ferait de ces personnes une source de contagion pour les autres.
Rassembler personnes qui dorment dans la rue, pour leur fournir un hébergement, peut s’avérer contre-productif car cela augmenterait le risque de propagation du virus entre des personnes extrêmement vulnérables dans un premier temps, puis dans l’ensemble de la société. Cela est en outre contraire aux conseils du gouvernement, notamment en matière de distanciation sociale. Cette mesure réunit dans un même lieu des personnes qui généralement vivent en petits groupes ou seules dans la rue, et qui sont déjà plus largement exposées au risque d’infection.
C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est très important de dépister les sans-abri, en vue d’identifier les personnes positives au virus, de les isoler des autres et de tester les personnes avec lesquelles elles ont été en contact. Nous avons dès lors établi trois grandes priorités pour des mesures immédiates (voir plus bas) – soutenez notre Appel à l’action en le signant et en le partageant massivement.
Nous savons d’expérience que les grands groupes de personnes qui vivent dans des situations précaires, comme des centres d’hébergement, sont très difficiles à protéger contre les épidémies de toutes sortes. Et nous savons également que, en matière de coronavirus, de nombreuses personnes infectées ne présentent aucun symptôme mais restent néanmoins contagieuses. C’est pourquoi il est non seulement insuffisant mais également dangereux de détecter et isoler des personnes uniquement sur base des symptômes. Ceci est d’autant plus important lorsque l’on parle de sans-abri qui dorment dans la rue, qui ont beaucoup plus de chances de développer de graves complications, mais qui pourraient de ce fait engorger les services médicaux déjà sous pression. En dépistant les personnes avant de les rassembler dans des centres d’hébergement, il serait possible d’héberger ces personnes dans des conditions beaucoup plus sûres, dans la mesure où les personnes positives seraient isolées dans un lieu spécifique, et où les personnes saines pourraient accéder à des hébergements collectifs traditionnels avant la levée des mesures d’urgence. Ensuite, tout le monde pourrait être placé dans des logements sûrs et pérennes.
Le Samusocial, une autre organisation travaillant avec les sans-abri dans la ville, a rapporté un cas de personne infectée au COVID-19. Cette personne pouvait uniquement être testée à l’hôpital car elle présentait de graves symptômes. Une autre personne hospitalisée est actuellement dans l’attente des résultats de son test de dépistage. Combien d’autres résidents de ces centres d’hébergement pour sans-abri suivront le même chemin ?
Pour protéger les personnes vulnérables, nous demandons :
1. La protection des personnes sans abri.
En vue de garantir la protection des personnes sans abri et vulnérables en général, il est essentiel de :
- promouvoir l’accès à des hébergements sûrs qui permettent l’isolement des groupes vulnérables, en vue de contrôler la propagation potentielle de la maladie (impossible aujourd’hui dans les hébergements collectifs) ;
- garantir les besoins primaires, comme l’accès à la nourriture et à l’hygiène ;
- fournir l’accès à des conseils et à des aides par rapport à la fermeture des services et des centres d’accueil ; et
- protéger les sans-abri contre les mesures punitives de la police étant donné le manque d’alternatives sûres à l’espace public.
2. Une politique de dépistage proactif et systématique.
Pour une raison évidente de santé publique, il est urgent de :
- procéder d’urgence à des dépistages au COVID-19 dans les centres d’hébergement pour sans-abri et les centres d’accueil de migrants, en vue de séparer les usagers infectés des usagers qui ne le sont pas, afin de limiter la propagation du virus ; et
- dépister les personnes qui travaillent quotidiennement avec des groupes vulnérables.
3. Le maintien des personnes dans leur logement.
En raison de l’impact économique de la crise, il est nécessaire de :
- maintenir le logement des publics vulnérables ; et
- développer des solutions structurelles en matière d’accès au logement, ce qui est devenu, plus que jamais, un impératif de santé publique.
Image : Guillaume Bassem
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