La pénurie de logements abordables est une crise croissante en France. Alors que la gentrification urbaine et la financiarisation du logement s’étendent aux zones rurales autour des villes, de plus en plus de personnes se retrouvent dans l’impossibilité d’acheter une maison et doivent payer des loyers privés élevés ou rejoindre de longues listes d’attente pour des logements sociaux locatifs. En outre, l’accession à la propriété, même si elle est subventionnée, n’est pas une option pour les personnes qui ne répondent pas aux critères d’un prêt hypothécaire en raison de leur âge avancé, de l’instabilité ou du niveau trop faible de leur revenu ou de leur situation au chômage.    

Face à ce problème, un groupe de ménages a décidé de former une coopérative d’habitants dans le village de Beaumont-sur-Lèze, dans le but de construire un ensemble de logements abordables qui répondrait également à leurs préoccupations environnementales et sociales. Aujourd’hui, Mas Coop est composée de 11 appartements à haute efficacité énergétique, dont les résidents partagent les valeurs fondamentales de la coopérative que sont la solidarité, la sensibilisation à l’environnement et la diversité sociale et intergénérationnelle.   

Seule une dizaine de coopératives d’habitants sont actuellement habitées en France, principalement dans les villes. Ce modèle coopératif représente un juste milieu entre la location et la propriété, et les secteurs public et privé. Les résidents achètent des parts de la coopérative, qui conserve la propriété du terrain et des bâtiments, et paient des frais mensuels pour couvrir les remboursements de prêts bancaires et d’autres coûts liés à la propriété.    

Fondamentalement, la valeur des parts n’est pas indexée sur la valeur immobilière de la propriété. En d’autres termes, si un ménage souhaite quitter la coopérative, la revente de ses parts ne génère aucun gain en capital, garantissant que le logement reste abordable ad vitam aeternam. .    

Le projet dans la pratique 

Mas Coop a été créée en 2015 avec seulement trois ménages. Le groupe a réussi à obtenir des garanties du gouvernement sous-régional de la Haute-Garonne et de la municipalité de Beaumont-sur-Lèze, lui permettant de contracter un prêt locatif social subventionné par l’État, qui sert à financer des projets de logements sociaux en France. Ce statut juridique de bailleur social signifie que les revenus des ménages des résidents doivent être inférieurs au plafond national de revenus pour l’accès au logement social. Cela a permis à la coopérative d’accéder à un financement favorable pour acheter des terrains et réaliser des travaux de construction (TVA réduite, taux d’intérêt bas, exonération de l’impôt foncier pendant 25 ans).    

Grâce au bouche-à-oreille, de plus en plus de personnes ont rejoint la coopérative et, avec sept ménages participants, le group a commencé le processus de co-conception du projet avec Jean-Yves PUYO, Architecte-Urbaniste spécialisé dans les écoquartiers et l’écoconstruction. La construction a commencé en juillet 2018 et s’est terminée en novembre 2019. Trois nouveaux bâtiments économes en énergie englobant 10 appartements de différentes tailles ont été construits, alors que deux anciens bâtiments sur le site ont été rénovées et transformées en habitation et en bâtiment à usage commun.   

Pendant la phase de développement, Mas Coop a délégué temporairement la gestion du projet au bailleur social local Les Chalets. Cela a facilité la coordination du travail et des assurances professionnelles nécessaires. En collaboration avec Les Chalets, la coopérative a choisi les entreprises de construction et a tenu des réunions de chantier hebdomadaires. Les résidents ont pu participer à la construction des bâtiments à pans de bois et contribuer à la rénovation des bâtiments existants.   

Les appartements du projet varient en taille d’une à trois chambres, ce qui permet d’accueillir tant des familles que des couples. Les résidents peuvent déménager dans un logement plus grand ou plus petit à mesure que leurs besoins évoluent (par exemple lors du départ ou de la naissance d’un enfant). Cette flexibilité permet de maintenir l’aspect intergénérationnel du programme au fil du temps.   

La maison commune englobe un espace commun, une cuisine, une bibliothèque, une salle de musique, six chambres d’hôtes, une piscine couverte, un atelier, une buanderie et un espace de stockage. Elle est utilisée pour les fêtes de famille et les réunions de groupe et est ouverte aux résidents du village pour des événements tels que des concerts, des projections et des fêtes. Certains résidents utilisent cet espace pour exercer leur profession, par exemple en enseignant le yoga et la musique.    

Les espaces extérieurs communs comprennent une aire de jeux pour les enfants, un potager, un poulailler, un espace de détente et de séchage du linge, un parking commun et des abris à vélos. 

La coopérative est chargée de la gestion du logement et de la sélection des nouveaux membres. Actuellement, le groupe est composé de 29 personnes âgées entre 1 à 74 ans, avec un mélange diversifié d’origines, de revenus et de professions.    

Les résidents sont membres de la coopérative et votent sur les décisions lors des assemblées générales. Chaque membre adulte fait également partie d’un ou de plusieurs groupes de travail, qui encouragent le développement des compétences et contribuent à la gestion du programme. Les responsabilités de ces groupes vont de l’entretien du jardin et du poulailler aux finances et à la communication. 

Financement 

Le projet a été financé par un prêt de 30 ans de 2,07 millions d’euros (2,2 millions de dollars) d’une banque commerciale – 943 551 euros (1 million de dollars) pour le terrain et 1 126 778 euros (1,2 million de dollars) pour les travaux de construction et d’infrastructure.   

Pour rejoindre le projet, chaque ménage devait acheter des parts dans la coopérative. Le coût moyen des cotisations pour les 11 ménages était de 35 000 euros (37 300 dollars) pour un appartement d’une chambre, de 45 000 euros (48 000 dollars) pour un appartement de deux chambres et de 55 000 euros (58 600 dollars) pour un appartement de trois chambres.   

De plus, chaque membre doit payer une cotisation mensuelle de 10,2 €/m² (10,9 dollars/m²). Ces frais se divisent en deux parties : une partie locative – 6,70 €/m² (7,10 dollars/m²) – qui couvre le remboursement des intérêts à la banque et les frais de la coopérative (tels que l’entretien, la comptabilité et les espaces communs) ; et une part d’actions – 3,50 €/m² (3,70 dollars/m²) – qui permet à la coopérative de rembourser le prêt bancaire et de mettre en place un fonds pour les grands travaux, l’inoccupation de logements et les loyers impayés.    

Lorsqu’un membre quitte la coopérative, Mas Coop rembourse sa contribution initiale, qui est ensuite reversée à la coopérative par les nouveaux arrivants. S’il y a un délai entre le départ et l’arrivée d’un nouveau membre, la coopérative dispose d’un délai maximum de deux ans pour rembourser la contribution au membre sortant, afin de ne pas affecter le remboursement du prêt bancaire.   

Le projet a reçu trois subventions : 25 000 euros (26 640 dollars) de la Fondation de France pour l’approche participative adoptée ; 5 000 euros (5 330 dollars) de HUMANIS pour l’innovation intergénérationnelle ; et 85 000 euros (90 580 dollars) du gouvernement régional et de l’Agence nationale de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie pour la qualité environnementale des bâtiments. Ces subventions ont été utilisées pour rembourser le prêt bancaire, réduisant ainsi les frais mensuels pour les membres.   

Pour contribuer à payer les frais imprévus, la coopérative a décidé de permettre aux non-résidents de soutenir le projet en achetant des parts de la coopérative. Le coût d’une action est de 500 euros (533 dollars), qui peut être revendue à la coopérative au même prix. Environ 10 non-résidents ont acheté des actions jusqu’à présent.   

Impact social    

Conformément aux valeurs de solidarité et de diversité sociale de la coopérative, Mas Coop a fait le choix conscient d’intégrer des ménages à revenus très variés, même si elle aurait pu remplir les conditions du prêt social avec uniquement des ménages à revenu moyen.   

Si, en moyenne, chaque membre doit contribuer à hauteur de 20% du coût du logement, certains ménages contribuent davantage, ce qui permet à un autre membre de rejoindre le groupe avec une contribution initiale moins élevée. En cas de difficultés financières, l’assemblée générale peut réduire temporairement les frais mensuels si d’autres acceptent de payer un peu plus pendant cette période.    

La nature participative du projet a généré des liens forts entre les résidents et a favorisé un environnement d’entraide. Par exemple, une personne emmène tous les enfants à l’école et une autre va faire les courses à l’épicerie. Cela a été particulièrement manifeste durant les confinements liés au Covid-19, lorsque les résidents se sont rassemblés pour s’entraider.   

La communauté locale bénéficie également de Mas Coop grâce à l’accès aux espaces communs pour les événements publics et à l’implication active des résidents de la coopérative dans les associations villageoises.   

Impact sur l’environnement 

L’un des principaux objectifs de la coopérative était de créer des maisons saines et respectueuses de l’environnement. La conception bioclimatique du projet a largement dépassé les exigences environnementales actuelles et Mas Coop a reçu le label “Bâtiment NoWatt” en reconnaissance de sa faible empreinte carbone.   

Des matériaux naturels ont été utilisés autant que possible pendant la construction, y compris le bois et une isolation en laine de bois très efficace. Les bâtiments ne nécessitent pas de climatisation et ont un besoin réduit de chauffage, qui est fourni dans chaque appartement par des poêles à bois individuels et des panneaux solaires thermiques.   

Les toits des bâtiments sont loués à une coopérative d’énergie solaire, ce qui permet l’autonomie en électricité. La production excédentaire est injectée dans le réseau électrique. L’eau de pluie est acheminée vers un réservoir souterrain et utilisée pour le potager. Un bassin de phytoépuration, quant à lui, permet un traitement sans produits chimiques des eaux usées avant qu’elles ne soient rejetées dans le système d’égouts.   

Les déchets organiques sont consommés par les poulets ou compostés pour être utilisés dans le jardin, tandis que chaque ménage s’efforce d’acheter des aliments produits localement et de manière responsable et d’utiliser uniquement des produits de nettoyage biodégradables.   

Les résidents réduisent les émissions de carbone en utilisant le vélo et le covoiturage pour les longs trajets, notamment pour les membres qui doivent se rendre à Toulouse.   

Transfert et expansion 

Mas Coop s’engage à promouvoir le modèle coopératif des résidents et ses membres sont très impliqués dans les réseaux régionaux d’habitat collaboratif et de construction écologique. Le groupe ouvre ses portes une fois par mois pour une séance d’information et communique régulièrement avec les groupes intéressés.    

Des visites à Mas Coop ont inspiré au moins huit autres projets. Le bailleur social Les Chalets s’était déjà associé à une autre coopérative toulousaine (Abricoop), mais n’avait jamais travaillé auparavant à la construction écologique et à des chantiers participatifs avec de futurs résidents et bénévoles. Le département de la Haute-Garonne s’intéresse à ce nouveau modèle d’habitat et de revitalisation des zones rurales.   

Bien que de petite taille, Mas Coop a développé plusieurs principes positifs et démontré que le logement abordable pour les ménages à revenu faible et moyen peut également atteindre une consommation nette d’énergie nulle et un mode de vie respectueux de l’environnement et de haute qualité. En créant la coopérative, le groupe a réussi à convaincre les autorités publiques, les banques traditionnelles et les fournisseurs de logements sociaux de soutenir le projet, et les membres travaillent maintenant dur pour inspirer d’autres personnes à mettre en place leurs propres programmes d’habitat collaboratif.