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Après une inquiétude croissante du secteur du logement, le gouvernement britannique a récemment prolongé le moratoire sur les procédures de saisie en Angleterre et au Pays de Galles jusqu’au 20 septembre. Patrick Duce partage les expériences d’une sélection de pays européens préoccupés par l’impact potentiel de la levée de ce moratoire.

En mars, un arrêté a été publiée par le gouvernement britannique afin de suspendre toutes les procédures de saisie dans les tribunaux d’Angleterre et du Pays de Galles en réponse à la crise du COVID-19. Depuis lors, aucune audience de saisie ne s’est tenue dans les tribunaux, malgré une estimation par l’association britannique de logement Shelter de 227.000 locataires privés touchés par des arriérés de loyer.

Si le prolongement de ce moratoire a été salué, d’aucuns craignent qu’il n’offre qu’un léger sursis très court à ce qui pourrait être une véritable catastrophe pour le sans-abrisme, poussant de nombreuses personnes dans une position où elles n’auraient nulle part où aller et vivre.

Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays à appliquer un moratoire sur les expulsions, et de nombreux gouvernements européens ont réagi rapidement pour protéger les locataires contre les retombées économiques de la crise du COVID-19. Les données collectées dans le cadre de la Campagne européenne sur l’élimination du sans-abrisme de rue tout au long de l’été démontrent que si les mesures mises en œuvre ont quelque peu soulagé les services d’aide aux sans-abri pour leur permettre de se concentrer sur l’aide des personnes déjà dans la rue, des inquiétudes ont été soulevées aux quatre coins de l’Europe sur ce qu’il se passera ensuite.

Alors que la date butoir du récent prolongement du moratoire sur les saisies en Angleterre et au Pays de Galles se rapproche, John Hamblin, directeur de Shekinah Housing à Plymouth et Torbay, au sud-ouest de l’Angleterre, a partagé les inquiétudes suivantes concernant les mesures mises en œuvre en Angleterre.

« Si nous avons salué les mesures temporaires visant à prévenir les expulsions, nous savons que nous sommes toujours menacés par une véritable tempête. S’il est positif pour de nombreuses personnes, nous savons également que le moratoire a forcé de nombreux propriétaires à revoir leurs positions, ce qui pourrait à long terme engendrer une réduction des hébergements disponibles pour les personnes que nous accompagnons. J’ai bien peur qu’avec les conditions économiques actuelles et l’incertitude croissante, nous devions nous préparer à une vraie possibilité que le sans-abrisme en Angleterre retourne à des niveaux non atteints depuis plusieurs décennies. Sans investissement à long terme dans le logement social et la fin des expulsions forcées (section 21), nous pourrions nous mordre les doigts et nous rendre compte que nous sommes passés à côté d’une occasion unique de lutter contre l’injustice du sans-abrisme. »

En Espagne, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence, introduisant un moratoire sur les expulsions et un prolongement automatique de six mois des baux devant expirer. Ces mesures signifient que les propriétaires ne peuvent pas expulser les locataires ou augmenter les loyers jusqu’à la fin 2020. Vanesa Cenjor Del Rey, directrice des affaires internationales à l’organisation nationale de lutte contre le sans-abrisme HOGAR SÍ, a affirmé :

« L’Espagne était un des premiers pays à suspendre les expulsions et, durant l’état d’urgence, il s’agissait d’une mesure efficace pour protéger les personnes vulnérables. Toutefois, lorsque cette mesure expirera, et étant donné que le nombre de personnes vulnérables a augmenté à cause de la crise, il sera nécessaire de mettre en œuvre des politiques intégrées pour aider toutes ces personnes à garder leurs logements. Le logement est un droit et doit être protégé. »

Les expériences de l’Arrels Fundació qui travaille avec les sans-abri à Barcelone, toutefois, ont démontré que la situation est encore plus compliquée en Catalogne. Le directeur Ferran Busquets a affirmé : « Nous avons constaté que malgré l’état d’urgence, de nombreuses personnes ont perdu leur hébergement. Selon les données de la municipalité de Barcelone, environ un tiers des places d’hébergement pour les personnes sans abri [durant le COVID-19] sont occupées par des personnes qui ne vivaient pas à la rue avant la crise, mais qui se sont retrouvés sans logement durant la pandémie du COVID-19. »

À Bruxelles également, malgré les mesures visant à reloger les sans-abri dans différents hébergements temporaires, les mesures visant à protéger les locataires ont eu l’impact suivant, selon Adrienne Van Vyve, coordinatrice d’une équipe de maraudes dans la ville :

« Cette mesure (moratoire sur les expulsions) a offert une certaine stabilité dans une période d’incertitude et a permis, jusqu’au 31 août, de prévenir un nouveau flux de personnes de personnes sans abri. Cela n’a toutefois pas empêché nos équipes de terrain de rencontrer de nouvelles personnes vulnérables dans la rue. »

Elle a toutefois affirmé que « si le moratoire a permis d’éviter de que nombreuses personnes se retrouvent dans la rue, cela ne signifie pas que ces personnes ont trouvé des solutions à leur situation… et une hausse importante du sans-abrisme est attendue. »

Une nouvelle fois, l’Écosse a montré sa volonté de prendre de nouvelles mesures plus tôt cet été, lorsqu’elle a non seulement prolongé le moratoire sur les expulsions jusqu’en mars 2021, mais lorsque le groupe d’action sur le sans-abrisme HARSAG a inclus ceci dans 105 recommandations soumises au gouvernement écossais, qui les a toutes acceptées. Margaret-Ann Brünjes, directrice de l’Homeless Network Scotland, a souligné l’importance de cette approche.

« Le nouveau prolongement du moratoire sur les expulsions jusqu’en 2021 annoncé par le gouvernement écossais devrait être bientôt approuvé par le parlement, mais s’il est adopté, il constituera une étape positive pour toutes les mêmes raisons que les mesures originales. Ce nouveau prolongement permettrait aux propriétaires, aux organismes de conseil et aux conseillers sur les droits sociaux de bénéficier de davantage de temps pour améliorer leurs situations actuelles et réduire le nombre de personnes risquant de perdre leurs logements à partir du printemps 2021. »

Le fil rouge des entretiens avec les professionnels aux quatre coins de l’Europe est la reconnaissance des interventions qui ont, à ce jour, sans conteste sauvé de nombreuses vies durant cette pandémie mondiale. Toutefois, notre campagne en Europe nous apprend que les réponses à la pandémie mondiale du COVID-19 sont des solutions à court terme et ne luttent pas vraiment contre la précarité du système du logement. Les gouvernements des quatre coins de l’Europe doivent faire preuve de leadership et prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre ce problème.

Les vraies solutions au sans-abrisme de rue n’ont pas changé malgré la pandémie mondiale. Enfin, sans la construction de nouveaux logements, l’accès au logement pérenne ne sera jamais adéquat. Nous devons travailler pour faire en sorte que toutes les personnes vivant dans la rue jouissent d’un logement sûr, et leur donner toutes les chances de le garder et ainsi briser leur cycle de sans-abrisme. Ceci est impossible si les personnes vulnérables continuent de quitter des logements précaires pour finir dans la rue.

Image : Juan Lemus (Arrels Fundació)


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