Le monde fait actuellement face à une crise des réfugiés. Des millions de personnes fuient les conflits ou la persécution dans leurs pays d’origine dans l’espoir de trouver une sécurité à l’étranger. Durant l’année qui s’est terminée en juin 2018, le Royaume-Uni a reçu 27.044 demandes d’asile, soit moins de 4 pour cent de toutes les demandes d’asile introduites dans l’UE pendant cette période, selon le Conseil des Réfugiés. La procédure de demande d’asile peut être lente, complexe et éprouvante. Jusqu’à la prise d’une décision initiale sur leur cas, la plupart des demandeurs se retrouvent dans les limbes, incapables de travailler ou d’accéder à des aides financières.

Dans un nombre croissant de cas, les familles de migrants avec enfants sont autorisées de rester au Royaume-Uni si elles n’ont pas recours aux fonds publics (NRPF). Cela implique qu’elles ne peuvent accéder aux aides au logement, aux allocations sociales ou aux aides à l’emploi. Ces restrictions relatives à l’accès aux fonds publics sont la plus grande cause de précarité parmi les migrants au Royaume-Uni, engendrant un risque d’exploitation et de sans-abrisme parmi les personnes vulnérables.

Depuis 2015, un projet de logement à Londres fournit des logements sûrs à des familles de migrants et à des femmes célibataires qui n’ont pas accès aux fonds publics. Le projet est dirigé par Praxis, une organisation travaillant pour les droits de l’homme, en partenariat avec Commonweal Housing, une petite association qui finance le test de modèles innovants en matière de fourniture de logements.

Le projet est mis en œuvre dans les quartiers londoniens de Croydon et Redbridge, où les migrants vivent dans huit maisons en colocation. Outre l’hébergement gratuit, les résidents bénéficient de conseils en matière d’immigration.

Fonctionnement

Le projet fournit des logements à des personnes vulnérables en utilisant des investissements sociaux en lieu et place du modèle associatif traditionnel. Commonweal Housing a levé 2,3 millions de Livres (3 millions de dollars) auprès de quatre investisseurs afin d’acheter et de rénover sept propriétés. Un autre logement a été fourni par un propriétaire privé.

Ces huit maisons sont louées à Praxis à des prix bien inférieurs au marché, soit environ 76.000 Livres (99.000 dollars) par an, ce qui équivaut à 2,5 à 3,5 pour cent de rendement annuel pour les investisseurs.

Les autorités locales sont chargées de loger les familles de migrants avec enfants. Cela concerne généralement des foyers d’accueil, parfois situés en dehors de la région de l’autorité locale et souvent inadaptés aux besoins des familles concernées.

Praxis fournit des logements plus adaptés à ces familles et utilise les revenus reçus des autorités locales pour payer le loyer des huit propriétés. Elle utilise ces revenus pour financer les espaces pour les femmes migrantes célibataires.

Il y a 18 lits pour des familles et 7 pour des femmes célibataires dans ces 8 logements. Toutes ces maisons ont des chambres privées et des salles de bain communes, des espaces de vie communs, une cuisine, une buanderie et un jardin.

Des contrôles sanitaires mensuels sont effectués dans ces logements, et tout le matériel destiné aux enfants, comme les berceaux, les lits d’enfants et les poussettes, est fourni gratuitement. Les résidents peuvent également appeler un numéro d’urgence 24h/24.

Les familles de migrants dirigées vers Praxis par les autorités locales sont généralement composées de femmes avec enfants. Ces cas sont évalués minutieusement, afin de garantir la satisfaction de leurs besoins. La plupart de ces femmes célibataires sont envoyées par d’autres services de Praxis ou par des organismes partenaires.

Ces cas sont prioritisés en termes de besoins, d’adaptabilité et de disponibilité des logements. Pour les femmes célibataires, ces cas envoyés par des services d’orientation ou par la Croix-Rouge sont prioritaires. Une femme est prioritaire si elle n’a pas d’autre option de logement, comme des hébergements d’urgence ou des centres pour demandeurs d’asile, et qui se retrouverait à la rue sans l’aide de ce service.

La durée de séjour dépend de la situation individuelle des résidents et de la complexité de leur statut d’immigration. En moyenne, les familles restent pendant neuf mois, mais la durée peut aller de trois semaines à plus de trois ans.

Les résidents sortent de ces logements dans deux cas : lorsqu’ils règlent leur statut d’immigration et peuvent accéder à des logements traditionnels ou à centres d’hébergement, ou lorsqu’ils deviennent éligibles pour des hébergements fournis par le ministère de l’Intérieur.

Le coût de fonctionnement annuel du projet est d’un peu moins de 250.000 Livres (327.000 dollars). Cela couvre la location des logements et la fourniture des services, dont un pourcentage du salaire du personnel et le coût des activités organisées par Praxis.

Impact

Depuis avril 2015, le projet NRPF a logé 106 personnes, dont 45 femmes (12 célibataires), un homme et 60 enfants. La plupart des personnes aidées par Praxis ont été victimes de violence et de pauvreté extrême. La plupart sont victimes de trafic ou demandent l’asile en se basant sur les droits de l’homme.

Le projet aide ces personnes à trouver une vie plus stable, en les aidant à accéder à d’autres services, tels que des cours d’anglais, dont ils continuent de bénéficier après avoir quitté le projet de logement NRPF. Cet aide a un impact positif sur la confiance et la santé mentale des résidents.

Le projet a contribué à résoudre le statut d’immigration de 60 personnes, qui ont intégré des logements permanents. Praxis aide ces personnes à accéder à des allocations sociales et à des conseils juridiques et à participer à des entretiens. L’organisation peut également les aider à demander des subventions pour acheter des meubles et des objets basiques du quotidien.

Outre ces avantages clairs pour les résidents, le projet offre également des avantages financiers pour les autorités locales. Ceci s’explique notamment par le fait que les services d’accompagnement proposés par Praxis contribuent à résoudre plus rapidement les problèmes d’immigration, réduisant la durée moyenne de séjour de 887 à 270 jours, selon l’analyse réalisée par le Forum NRPF. Cela engendre des économies importantes pour les autorités locales, qui paient un tarif par nuit pour les logements du NRPF.

L’avenir

Le modèle financier innovant du projet s’avère être pour l’instant un succès. Les changements au niveau du marché du logement et l’incertitude autour du Brexit pourraient toutefois avoir un impact sur les rendements futurs pour les investisseurs, ce qui pourrait rendre le modèle moins attractif. Les nouveaux règlements publics relatifs aux logements à occupation multiple pourraient avoir un impact sur le nombre et le type de cas que Praxis peut accepter par logement.

Malgré ces deux problèmes, la demande de ces logements reste élevée. Le nombre d’autorités locales faisant appel à Praxis est passé de deux à sept et l’organisation évalue actuellement la demande potentielle pour d’autres quartiers. Commonweal a proposé trois nouveaux logements dans le nord de Londres et Praxis analyse cette offre en tenant compte des nouveaux règlements relatifs aux logements à occupation multiple.

Les baux initiaux de sept ans pour les logements de Croyden et Redbridge expirent en 2022. À ce moment-là, les investisseurs sociaux pourront choisir de continuer leur investissement ou de vendre les logements. Dans ce cas, Praxis sera prioritaire pour acheter les maisons et analysera les opportunités d’investissement avec d’autres partenaires afin de maintenir le modèle de logement existant.

En attendant, le projet permet de fournir des logements à certaines des personnes les plus vulnérables du Royaume-Uni, dont nombre ont risqué leur vie et fait face à des difficultés extrêmes juste pour trouver un logement sûr.

Le résumé complet du projet est accessible ici – disponible en anglais uniquement