Nashira Un Canto de Amor (une chanson d’amour) est un éco-village en Colombie rurale qui a été construit pour et par des femmes victimes de déplacement forcé à cause des cinquante années de guerre civile en Colombie et/ou de violence domestique.

 

Description du projet

Objectifs

  • Le projet offre une solution de logement sûre, permanente et abordable pour les femmes qui ont été déplacées ou qui ont été victimes de violence sexuelle ou domestique.
  • Elle minimise les coûts (les maisons coûtent environ 10 000 dollars chacune pour leur construction), ce qui permet à ces femmes de ne pas devoir payer de loyer et de pouvoir ainsi sortir de la pauvreté.
  • Le projet vise également à renforcer les capacités des femmes. Le village est géré par différents comités et centres de production qui sont tous dirigés par des femmes du village.
  • Il engendre des opportunités d’emploi en mettant en place des ateliers où les femmes peuvent fabriquer leurs propres produits. Les revenus générés par la vente de ces produits peuvent les aider à sortir de la pauvreté.
  • Le village fournit une sécurité alimentaire grâce à ses potagers, et fournit de l’eau potable.

Nashira est un éco-village de 88 logements situé au Sud de la Colombie. Il a été construit pour et par des femmes qui ont été victimes de violence domestique ou qui ont été déplacées à cause de la guerre civile colombienne. Le projet est financé par le programme de subvention de l’habitat rural du gouvernement.

Les coûts sont limités grâce à l’utilisation de fonds propres et de matériaux recyclés gratuits ou à bas coûts. Ces épargnes permettent l’accès à la propriété des maisons sans frais supplémentaire car il ne faut pas payer de garantie ou d’hypothèque. Étant donné que ces maisons sont construites par la communauté, ces maisons appartiennent aux familles et ne peuvent dès lors être saisies à cause de dettes. Le projet permet aux femmes de mettre en place des équipes de travail qui leur permettent de générer des revenus. Ces équipes de travail gèrent la production d’aliments bio, un marché le samedi, un restaurant et des chambres au sein des maisons pour les touristes.

Le projet est un modèle démontrant que différentes formes de cohabitation peuvent rendre une communauté plus forte, tant sur le plan écologique que sur le plan social. Le projet offre une garantie d’approvisionnement de nourriture bio cultivée sur son propre terrain. L’eau et les déchets sont traités de façon écologique. Des roselières sont utilisées pour filtrer l’eau, un aqueduc amène de l’eau au village et les déchets sont recyclés ou compostés.

Le projet a été créé par l’Association des femmes de Nashira pour une meilleure qualité de vie (Asociación de Mujeres Nashira por Mejor Calidad de Vida) (Nashira) via l’achat de 3,3 hectares de terrain qui servait auparavant de plantation de bananes. Les coûts liés à l’achat ont été financés par un don de la Fondation Douglas Dolmetsch.

Contexte

La Colombie est un pays en proie à une guerre civile depuis cinquante ans. Depuis le milieu des années 1960, le pays souffre d’un conflit complexe entre le gouvernement, les groupes paramilitaires et les guérilleros. Plus de 220.000 personnes ont été tuées et, selon le HCR, près de six millions de personnes ont été forcées de quitter leurs logements. Cette situation a engendré le plus grand nombre de déplacés internes dans n’importe quel pays du monde excepté la Syrie. En outre, le trafic de drogues a déplacé des milliers de personnes car les trafiquants de drogue tentent d’étendre leur culture de coca dans des zones rurales éloignées.

Les effets de cette situation ont été préjudiciables pour les personnes et les familles. De nombreuses données indiquent des violences sexuelles à l’encontre des femmes et de nombreuses familles ont été détruites. La majorité des personnes déplacées sont des femmes. Trente pour cent des femmes en Colombie sont des mères célibataires et 35 pour cent des enfants vivent dans des familles monoparentales. Soixante-dix pour cent des familles monoparentales vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Principales caractéristiques

Les femmes construisent leurs propres maisons. Elles doivent en principe consacrer au total au moins 1.200 heures à la construction.

Les maisons sont construites à partir de matériaux recyclés de façon innovante. Ainsi, certains murs sont par exemple construits à partir de bouteilles en plastique remplies de terre. Les escaliers sont faits à partir de vieux pneus de voiture et certaines fenêtres sont composées de bouteilles en verre recyclées.

Il ne faut pas payer de loyer pour ces maisons.

Le projet fournit également de l’eau potable. Cela s’avérait être un défi particulier étant donné que l’eau provenant de la terre locale est contaminée. Un grand aqueduc amène de l’eau fraîche d’une source proche.

Il y a onze centres de production qui génèrent des revenus pour le village. Ces centres incluent : des hébergements pour les touristes dans des chambres d’amis ; le recyclage des déchets, des petits potagers pour cultiver des fruits et des légumes, la pêche et la production de céramique.

Nashira utilise sa propre monnaie pour les transactions financières au sein du village. Cela permet de garder les revenus générés au sein du village.

Quel est son impact ?

Le village a réalisé ses objectifs grâce à l’autoconstruction de maisons et aux équipements communs dans le village.

La qualité de vie des femmes dans le village s’est améliorée de façon considérable. La plupart des femmes vivaient auparavant dans des taudis de villages voisins. La plupart de ces femmes sont sorties de la pauvreté et leur santé s’est nettement améliorée.

Le village est pratiquement autonome financièrement.

Comment est-il financé ?

Le projet a été créé grâce à une subvention de la Fondation Douglas Dolmetsch. D’autres frais ont été couverts par le programme du gouvernement colombien sur le logement social. Des dons et subventions ont été fournis par l’Agence des États-Unis pour le Développement international (USAID) et la société des eaux Aquavalle. Au début du projet, le gouvernement demandait aux femmes 10 pour cent des coûts de construction des maisons. Il s’agissait d’une condition pour fournir la subvention. Le village a négocié pour pouvoir payer ces 10 pour cent en nature, ce qui a été accepté.

Le village vise à atteindre une autonomie financière pour couvrir ses frais de fonctionnement. Il a ainsi développé différentes activités générant des revenus, sous la forme de centres de production. Nombre de ces centres fournissent des revenus aux femmes qui vivent dans le village et d’autres permettent de couvrir les frais de fonctionnement des équipements communs du village.

 

 

Aspects innovants

  • Nashira a démontré qu’un éco-village peut être viable et autonome. Il a également démontré qu’un mode de vie écologique n’était pas nécessairement qu’un choix de mode de vie pour les riches mais également un moyen efficace de sortir de la pauvreté.
  • Nashira a montré la voie pour fournir des logements aux femmes où les femmes contrôlent la situation. Cette approche est nouvelle en Colombie.
  • Les techniques de construction utilisent des matériaux à très bas coûts et utilisent des matériaux qui seraient autrement jetés à la poubelle.

 

Quel est son impact sur l’environnement ?

Le village est durable sur le plan écologique. Il engendre très peu de déchets, consomme peu d’énergie et créée peu de polluants. Même si elles ne sont pas mesurées, les émissions de carbone sont très faibles.

 

Quel est son impact social ?

Le projet a permis d’améliorer les conditions de vie et la qualité de vie pour les femmes qui étaient victimes de violence domestique ou qui ont été déplacées à cause de la guerre civile en Colombie.

 

Viabilité financière

Le village est pratiquement autonome sur le plan financier. Les frais de fonctionnement sont couverts par les activités générant des revenus. Le village a atteint son objectif sans imposer de loyer. Le village ne possède pas de grandes réserves et toute amélioration importante nécessite dès lors une collecte de fonds.

 

Obstacles

Au début du projet, les femmes devaient payer 10 pour cent des coûts de construction des maisons. Le gouvernement imposait cette condition pour accorder sa subvention. Nombre des femmes ne pouvaient payer ce montant. Lorsque les femmes ont commencé à contribuer à la construction des maisons, ces 10 pour cent ont été supprimés.

Certains hommes locaux ne voulaient pas laisser les femmes devenir propriétaires de ces maisons.

Certaines des activités visant à générer des revenus n’étaient pas viables et ont dû s’arrêter précipitamment.

Leçons retenues

Un éco-village n’est pas juste une notion idéaliste mais également un mode de vie viable. Ce modèle peut être utilisé pour sortir certaines personnes de la pauvreté.
L’absence de loyer à payer est un élément essentiel pour sortir les personnes de la pauvreté. Sans ces loyers ou hypothèques, les femmes pouvaient plus facilement améliorer leurs conditions de vie.
Bien que le village ait été créé pour les femmes, il a été question dès le départ d’inclure des membres masculins de leurs familles comme des concubins, qui restaient chefs de ménage. Toutefois, étant donné que certaines des femmes avaient été abandonnées ou maltraitées, certains hommes ont été exclus du village, ce qui laissait les femmes concernées les seules chefs de ménage. Cela a démontré l’efficacité de l’approche de Nashira.
Évaluation

Une caractéristique constante du projet au cours de ses 13 années d’existence a été le lien avec les universités, ce qui a permis la formation d’un groupe de recherche qui évalue les différentes étapes du projet. Parmi les organisations les plus impliquées, on retrouve l’Université de Valle et ses programmes environnementaux, urbanistiques, sociologiques et économiques. Les programmes de psychologie communautaire de l’Université coopérative et les programmes environnementaux de l’Université nationale ont également été impliqués. Plusieurs thèses de doctorat ont également été écrites, analysant et évaluant l’ensemble du programme.

 

Transfert

En Colombie, sept autres éco-villages pour femmes ont été développés.
ONU-Habitat a mis en place un projet à Santa Marta en utilisant certains éléments du projet Nashira.

Sur le plan international, ONU-Habitat contribue au développement de plusieurs projets au Mexique et au Salvador qui s’inspirent du projet Nashira.