L’Associação Cortiços do Centro, Condomínio Vanguarda (Association de résidents d’habitations collectives dans le centre-ville – ACC) est une association composée de résidents de cortiços, ou taudis dans des habitations collectives dans le centre-ville de Santos. L’ACC veut améliorer les conditions de vie des résidents à bas revenus de cinq quartiers du centre-ville de Santos, en garantissant le droit à un logement décent pour les familles à bas revenus. Ces logements doivent être situés dans le centre-ville, à proximité des emplois, en utilisant l’infrastructure urbaine existante. Ce projet communautaire implique la construction de 181 logements pour les familles à bas revenus. Les 113 premières habitations sont en phase de finition et les 68 autres habitations devraient être construites d’ici la fin 2013.

 

Description du projet

Objectifs

L’objectif du projet est de fournir un logement décent et abordable aux familles à bas revenus qui vivent dans des habitations inadéquates et surpeuplées dans le centre-ville de Santos, en luttant contre les problèmes de gentrification et de déplacement, et en garantissant le droit au logement adéquat et le droit à la ville pour tous. Cette approche vise à renforcer les compétences des résidents afin de leur permettre d’être des acteurs de changement au sein de la communauté, en travaillant ensemble pour régénérer le quartier et améliorer leur quotidien.

Contexte

Dans la ville de Santos, au sud-est du Brésil, environ 14 500 personnes, principalement des femmes et des jeunes à bas revenus, vivent dans des conditions précaires dans des taudis dans le centre historique. Les maisons construites à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle pour les familles aisées sont à présent dans un état vétusté extrême et logent à présent jusqu’à 24 familles dans des conditions de surpeuplement, sans intimité, sans sanitaires adéquats, sans éclairage et sans ventilation. Les résidents doivent payer des loyers très élevés et sont souvent menacés d’expulsion. La région est connue pour avoir le taux le plus élevé de tuberculose du pays, ainsi que le plus grand pourcentage de personnes vivant avec le VIH en Amérique latine.

Au cours des ans, le gouvernement a annoncé de nombreuses initiatives pour améliorer les conditions de vie des résidents de cette région. La majorité de ces initiatives n’ont jamais vu le jour, provoquant l’abattement et le découragement des résidents. En outre, un processus de gentrification a commencé à se développer dans le centre historique de la ville, assorti d’une hausse de la valeur des propriétés à la suite de l’annonce récente d’une initiative de régénération. Par conséquent, de plus en plus de familles sont expulsées de leurs logements.

Principales caractéristiques

Dans ce contexte, l’ACC a adopté une approche proactive pour lutter contre certains des principaux problèmes, en mobilisant la communauté, en collaborant avec des organismes publics aux niveaux local, régional et national, et en obtenant les ressources et l’aide technique nécessaires pour offrir des solutions concrètes aux besoins de logement des résidents des cortiços dans le centre-ville.

En 2007, après avoir analysé les expériences d’autres associations et étudié les législations locales, régionales et nationales ainsi que les sources potentielles de financement avec l’aide d’un groupe d’architectes volontaires, l’ACC a acquis un terrain de 6 000 m² dans le centre-ville de Santos du ministère de la Planification, du Budget et de la Gestion, et l’a classé « zone spéciale à intérêt social » (ZEIS), permettant l’accès à des financements. L’année suivante, des fonds ont été approuvés pour la construction des 113 premières habitations et un financement supplémentaire a été trouvé pour la deuxième phase du projet, impliquant la construction de 68 habitations supplémentaires grâce à un système d’entraide et d’autogestion des ressources. Une aide technique a été fournie par l’Institut Elos Brazil, l’Alliance des mouvements de l’habitation et l’ONG locale Ambienta, et différentes caractéristiques écologiques ont été incorporées au projet, comme la récupération d’eau de pluie et l’utilisation de l’énergie solaire. Suite aux principales priorités établies par l’ACC, le projet se caractérise par des constructions de qualité et une approche participative et collective.

Les familles participantes ont été sélectionnées sur base des besoins en matière de logement, de la taille des familles et du niveau de participation dans des activités collectives. Le processus de sélection a veillé à inclure des résidents de groupes particulièrement marginalisés comme les personnes âgées, les personnes sans domicile fixe, les jeunes et les femmes chefs de ménages. Quinze pour cent des familles avaient déjà été expulsées de leur logement à cause du processus de gentrification de la ville.

Le projet englobe un groupe de bâtiments qui, en plus des 181 appartements à une, deux ou trois chambres, inclut une aire de jeux, des espaces communs (bibliothèque, boulangerie, restaurant, salle informatique, terrain multisport, etc.) et des unités commerciales au rez-de-chaussée. Dès le début, les résidents ont été placés au centre du processus, allant des négociations initiales et de la mobilisation à la collaboration avec les architectes grâce à une approche participative. Ils ont travaillé dans la construction grâce à un système d’entraide avec des travailleurs compétents engagés par l’ACC, et ont géré les ressources du projet durant la phase de mise en œuvre.

Coûts

Les coûts totaux du projet s’élèvent à 5,66 millions de dollars, et les fonds proviennent de deux grandes sources de financement de la CAIXA, la Banque fédérale de développement : ‘Crédito Solidario’ (phase 1) et ‘Minha Casa Minha Vida’ (phase 2), avec des fonds de contrepartie d’organismes publics locaux et régionaux :

  • 3,5 millions de dollars de financement fédéral de la CAIXA (1,7 million de dollars pour la phase 1 et 1,8 millions pour la phase 2).
  • 1,5 million de dollars de fonds de contrepartie de l’organisme public de logement de São Paulo (CDHU).
  • 500 000 dollars de fonds de contrepartie de la Ville de Santos.
  • 150 000 dollars de contributions des résidents sous la forme de main-d’œuvre.
  • 12 700 dollars ont été fournis par le PNUD pour les aires de jeux pour les enfants.

En plus de la main-d’œuvre et de l’autogestion des ressources, les résidents ont fait des remboursements mensuels en fonction de leurs revenus (dix pour cent de leurs revenus, ou un minimum de 25 dollars par mois, sur une période de dix ans).

Impact

  • L’expérience a déjà eu un impact important, tant pour les résidents qui ont été activement impliqués tout au long du processus que pour d’autres groupes communautaires du pays grâce aux politiques et législations élaborées à la suite de ce projet. Suite à la mobilisation de ces groupes, une législation nationale a été approuvée pour permettre aux autres organisations communautaires et mouvements sociaux d’accéder à des terrains fédéraux pour la construction de logements. La ‘Concessão de Direito Real de Uso’ [Concession du droit d’utilisation des terrains / CDRU], autorise à présent la mise à disposition de terrains pour la construction de logements sociaux, offrant une utilisation exclusive des terrains pour une période de 99 années (renouvelable).
  • Les résidents ont reçu des formations sur la construction de logements et l’autogestion de ressources, et nombre d’entre eux ont trouvé du travail ou créé leurs petites entreprises. Deux entreprises sociales dont une boulangerie communautaire et une joaillerie ont déjà ouvert leurs portes.
  • Le projet a mobilisé différents groupes de personnes désespérées. Des réunions communautaires qui rassemblaient au départ 15 personnes ont fini par réunir 300 personnes.
  • L’ACC est devenu un exemple national de lutte et de victoire pour les groupes communautaires confrontés à des situations difficiles. De nombreux groupes similaires dans le pays ont appris de cette expérience grâce à des échanges directs et des formations organisées par l’ACC.
  • Le projet vient actuellement en aide à 800 résidents de cortiços (181 familles) grâce à la construction de nouveaux logements.

 

Aspects innovants

  • Le partenariat entre une organisation communautaire et des organismes publics aux niveaux local, régional et national.
  • L’ACC a été la première organisation communautaire du pays à se procurer des terrains fédéraux via le CDRU et à obtenir des fonds pour la construction de logements via le programme Minha Casa Minha Vida, ouvrant la voie à d’autres organisations similaires.
  • Le processus autonome, les résidents étant impliqués dans toutes les prises de décisions, la planification, la gestion de ressources et la mise en œuvre.
  • L’inclusion d’éléments écologiques dans un projet de logement communautaire basé sur l’entraide.

Quel est l’impact sur l’environnement ?

  • Ce projet représente un premier pas vers l’amélioration des conditions environnementales globales dans le centre historique de la ville.
  • Des matériaux traditionnels de construction ont été utilisé dans le cadre du projet, et ces matériaux étaient disponibles localement. Des matériaux recyclés ont également été utilisés dans la construction, notamment du bois recyclé et des tuiles faites en briques Tetrapark recyclées.
  • En plus de fournir de l’eau potable et de l’électricité aux résidents qui vivaient précédemment dans des conditions précaires de logement sans accès à des services adéquats, le projet englobe également des éléments écologiques comme des systèmes de récupération de l’eau de pluie et l’utilisation de l’énergie solaire pour l’éclairage des espaces communs. Les échanges entre l’ACC et d’autres groupes communautaires ont donné naissance à d’autres projets de logement adoptant une approche similaire.
  • Un système de dosage individuel est utilisé pour sensibiliser le public sur l’utilisation de l’énergie et encourager l’efficacité énergétique.
  • Un mini centre de recyclage a été créé et des activités de sensibilisation sur la protection de l’environnement sont organisées pour encourager des pratiques durables.

Le projet est-il viable sur le plan financier ?

  • Les fonds pour les deux phases du projet ont été trouvés. Les résidents sont responsables de la gestion des ressources.
  • L’ACC négocie avec des organismes publics locaux et fédéraux pour obtenir des terrains et des fonds pour des projets futurs.
  • La génération de revenus est un élément clé du projet, avec la création de trois entreprises sociales à ce jour dont une boulangerie communautaire, une joaillerie utilisant des matériaux recyclés et un restaurant. Des espaces pour ces petites entreprises sont prévus au rez-de-chaussée des bâtiments, qui sont ouverts à l’ensemble de la communauté.
  • L’ACC a obtenu des fonds pour soutenir ces activités de génération de revenus. Ces fonds proviennent notamment de la société d’énergie publique Petrobrás, de l’Institut HSBC, de Libra Terminais, et de l’ONG « Logement et citoyenneté » de la CAIXA.
  • Le projet est abordable même pour les familles qui disposent des plus bas revenus. Les revenus des ménages doivent être inférieurs au triple du salaire minimum mensuel (environ 945 dollars par mois maximum). Les remboursements sont liés aux revenus, les résidents payant dix pour cent de leurs revenus mensuels sur une période de dix ans.
  • Leur contribution au niveau de la main-d’œuvre dans le processus de construction et les remboursements abordables permettent aux familles d’avoir accès à un logement décent alors qu’elles n’auraient jamais eu accès à ces logements sans ce projet.

 

Quel est son impact social ?

  • Un des objectifs de l’ACC est de réduire les inégalités socioéconomiques qui prévalent dans la société brésilienne et de garantir l’accès à des terrains, à des logements et à l’emploi pour les groupes à bas revenus.
  • L’approche du projet et le processus d’entraide au niveau de la construction favorisent les valeurs de solidarité et de coopération, en plaçant l’accent sur l’action collective et l’intégration sociale. L’inclusion sociale est une priorité essentielle du projet et les résidents incluent des groupes traditionnellement exclus, promouvant ainsi la participation de tous avec les mêmes droits et devoirs, quelles que soient les différences sociales, ethniques ou culturelles. Les femmes sont actives au niveau de la direction de l’ACC et 80 pour cent des titres de propriété sont au nom de femmes.
  • Toutes les prises de décisions se font lors d’assemblées, et les résidents travaillent ensemble lors de chaque étape du processus. L’expérience a rassemblé des résidents venant de différents milieux et a permis de créer des réseaux sociaux solides.
  • Les résidents ont acquis des compétences en matière de construction, d’organisation communautaire, de gestion de problèmes sociaux et juridiques et de gestion financière grâce au processus d’entraide et d’autogestion du logement. Les trois entreprises sociales qui ont été créées impliquent des formations, et des formations sont également fournies dans des domaines tels que la communication non-violente et les valeurs humaines.
  • Les résidents sont à présent capables de jouer un rôle majeur dans ce processus grâce à l’acquisition de connaissances et d’expérience. Ils ont fait du lobbying qui a porté ses fruits auprès de différentes branches du gouvernement.
  • Le processus d’autogestion et de production collective confirme le sentiment d’appartenance, améliore l’estime de soi et permet aux résidents de lutter contre d’autres problèmes auxquels ils peuvent être confrontés.
  • Les membres de l’ACC ont assisté à des échanges et des événements internationaux, et les compétences d’autres associations ont été renforcées grâce à ces échanges.
  • Le projet fournit des conditions de vie décentes, sûres et saines, contrairement aux conditions de vie qui prévalent dans les taudis. Des ateliers mensuels sont organisés avec les résidents et des professionnels de la santé afin de prévenir les maladies les plus courantes dans la région comme le SIDA, la tuberculose, les maladies sexuellement transmissibles, les hépatites, etc.

Obstacles

  • Une société qui a été engagée pour travailler avec les résidents lors de la première phase du projet n’a pas rempli son contrat, provoquant un retard d’un an avant de pouvoir résoudre le problème. Malgré ce contretemps, la première phase du projet est maintenant presque terminée.
  • Le financement de contrepartie du gouvernement municipal n’a été reçu qu’à la fin 2012. Étant donné que le projet est situé dans une région où la spéculation foncière est particulièrement élevée, le gouvernement local ne voulait pas s’investir dans le projet. Grâce à plusieurs négociations, l’ACC a finalement obtenu les fonds promis.

Leçons retenues

La principale leçon retenue est que quel que soit le temps que cela prend, il ne faut jamais abandonner ses rêves. Ce combat a duré plusieurs années, des personnes ont quitté le projet, mais les efforts se sont poursuivis jusqu’à l’atteinte de l’objectif.
Il importe d’étudier tous les outils disponibles pour obtenir des fonds et exploiter au mieux les ressources disponibles.
En regard du processus même, une leçon importante est que pour travailler avec des personnes, il est important d’écouter l’autre et d’accepter les différences.

Évaluation

Un suivi régulier est réalisé par l’ACC (chaque mois) et la CAIXA, la Banque fédérale de développement.

Transfert

Le projet a été largement couvert par les médias locaux et a été présenté lors de deux programmes télévisés nationaux. Des courts-métrages et des documentaires ont également été réalisés, et de nombreux visiteurs sont venus voir le projet, notamment des associations, des visiteurs internationaux et des étudiants universitaires.

Le projet prévoit une deuxième phase, avec la construction de 68 logements supplémentaires.

L’ACC négocie avec le Secrétariat des biens fédéraux en vue d’obtenir davantage de terrains pour des nouvelles constructions et la rénovation de bâtiments historiques à des fins de logement social, afin de pouvoir répondre à la demande. Des discussions avancées sont en cours pour la concession d’un terrain de 100 00 m² à l’ACC.

L’ACC a organisé différents ateliers et a réalisé des échanges avec d’autres communautés pour transférer les connaissances et outils, et un blog a été développé pour partager les expériences.

L’ACC prodigue actuellement des conseils à deux autres organisations communautaires de la ville qui ont obtenu des terrains sur lesquels elles prévoient de construire environ 500 logements.

Le travail de l’ACC a poussé le Maire de Santos à annoncer que d’autres projets seront réalisés dans le centre-ville pour fournir des logements aux familles à bas revenus. Des fonds sont actuellement recherchés pour un programme global visant à transformer les bâtiments historiques du centre-ville en logements pour les familles à bas revenus qui vivent actuellement dans des cortiços.